COMMENT GÉRER LES DIFFICULTÉS DU DOCTORAT ET RÉUSSIR À SOUTENIR SA THÈSE?

COMMENT GÉRER LES DIFFICULTÉS DU DOCTORAT ET RÉUSSIR À SOUTENIR SA THÈSE?

Comment, et dans quel état d’esprit aborder le doctorat, et particulièrement le doctorat en Sciences Humaines et Sociales ? Pour moi, qui suis docteure dans un domaine des SHS, il y a des points très importants à connaître quand on se lance dans un tel projet, en particulier quand on n’est pas financé. Ce sont des traits d’état d’esprit et des notions que j’aurais aimé connaître quand je me suis lancée, et si quelqu’un m’avait parlé de tout cela au démarrage, j’aurais gagné beaucoup de temps et je me serais moins fatiguée, j’aurais perdu moins d’énergie à essayer de combattre mon syndrome de l’imposteur. Alors, je prends le temps aujourd’hui d’évoquer et de développer ces cinq règles qui sont pour moi des règles d’or. 1. SE CONNAÎTRE POUR TENIR LE RYTHME La première règle d’or, c’est de vous connaître parfaitement. Si vous n’avez pas encore conscience de vos points forts et de vos points faibles, vous y serez vite confrontés au cours de vos années de thèse. Quel profil avez-vous, quels sont vos objectifs, quelles sont vos priorités, comment gérez-vous le stress, la pression ou la fatigue ? Ce sont des aspects de votre personnalité qu’il faut connaître, car vous allez devoir les accepter le plus rapidement possible pour éviter de vous épuiser.  Le rythme en doctorat, j’en parle longuement dans la vidéo que j’ai faite sur « comment j’ai réussi à terminer ma thèse ». C’est un rythme très particulier qui s’accélère et qui ralentit en permanence et sans prévenir : la rentrée à elle seule vous dit tout au sujet du rythme en doctorat : à la rentrée, il se passe tout et rien en même temps. C’est très particulier, et d’ailleurs je n’ai jamais compris pourquoi on considérait que la rentrée était en septembre alors que les réinscriptions se font après, jusque mi-décembre.  Tout est dans le rythme, vous allez être sans arrêt en train de vous adapter à lui, et vous ne réussirez jamais à vous caler vraiment dessus car il ne sera jamais le même. Plus vous allez avoir de responsabilités, plus votre planning sera décousu. C’est normal. Vous pouvez anticiper les heures de cours que vous donnez durant un semestre, mais vous ne pourrez pas anticiper le mail d’un éditeur qui vous annonce qu’il faut retravailler une partie de votre article — article qui aurait dû paraître l’année dernière —, vous ne pourrez pas anticiper une invitation à parler lors d’un colloque ou les mails que vous recevez et qui contiennent la veille que vous faites pour repérer les conférences que vous pourriez faire : pendant six mois il ne peut rien y avoir, et d’un seul coup vous avez deux opportunités pour participer à des journées d’études en huit semaines de temps. Sans compter la fin d’un contrat de travail, le changement de planning de cours, les formations doctorales, les conseils de laboratoire si vous êtes élu, les différents rapports à rendre, etc. Il vous faudra nécessairement savoir exactement ce que vous voulez et ce que vous êtes prêt à donner pour l’obtenir. Ça ne veut pas dire qu’il faut tout accepter, loin de là. La seule chose qu’il faille accepter en doctorat, ce sont vos limites, quitte à refuser une opportunité de publier : mieux vaut ne pas publier que de publier à l’arrache parce que ce n’est pas faisable et que vous êtes épuisé. Il faut savoir dire non quelquefois, et être en accord avec ça.  Personnellement, j’ai refusé plusieurs fois de publier parce que ce n’était pas possible, je n’avais ni le temps ni l’énergie de me lancer avec le planning que j’avais, et j’ai déjà accepté des heures de cours pour annuler cinq jours après : on me propose des heures, super ! J’en ai déjà beaucoup mais j’accepte, parce que ça ne se refuse pas. Puis j’apprends que je ne serai payée qu’un mois après la fin du semestre — passe encore — puis j’apprends que mes billets de train seront entièrement à ma charge — deux allers-retours Lille-Paris par semaine, parce que les deux cours qu’on me proposait de faire ne pouvaient même pas être réunis sur la même journée. Au total, je me rends-compte que je vais perdre de l’argent et beaucoup trop de temps ! J’ai donc décidé que je ne les ferais pas. Et franchement j’ai été fière de moi car c’était la première fois que je refusais ces conditions impossibles qu’on nous impose à chaque fois.  Ça ne m’a pas empêchée de réussir, bien au contraire, alors si vous en êtes en position de le faire, refusez les fausses belles opportunités. Sachez que toutes les personnes à qui j’ai dit non, en me justifiant, sont toutes revenues vers moi un peu plus tard et j’ai été très heureuse de travailler avec elles. N’ayez donc pas peur de ça. Définissez bien vos limites, sachez les dépasser quand c’est possible, et rester en retrait quand ça ne l’est pas. Le plus important, c’est d’honorer à 100% tout ce pour quoi vous vous êtes engagé.e.s. 2. SAVOIR GERER LA PRESSION Tout part de votre connaissance de vous-même. Savoir gérer la pression, vous n’y arriverez pas si vous ne connaissez pas vos limites et si vous ne vous connaissez pas parfaitement. La pression, vous l’aurez en permanence : la pression de bosser seul.e, la pression de faire une belle découverte en recherche, la pression d’analyser correctement vos résultats, la pression de rater une source importante ou une opportunité de publier, la pression de réussir à faire passer une notion en cours, ou juste d’assurer un premier cours. La pression de trouver un contrat de travail, de ne pas rater la date de toutes les inscriptions que vous allez faire en une seule année, la pression de tout. Tout, jusqu’aux moindres détails, va vous mettre la pression. Restez calme. Prenez du recul. Habituez vous à la pression, devenez son amie, tutoyez-là. Elle peut être votre amie si vous savez la reconnaître et la gérer. Ne la laissez pas vous

COMMENT SE PASSE LA SOUTENANCE DE THÈSE ? RETOUR SUR EXPÉRIENCE

COMMENT SE PASSE LA SOUTENANCE DE THÈSE DE DOCTORAT ?

Aujourd’hui, je voudrais parler de mon expérience de la soutenance de thèse. Je souhaite en parler car c’est un évènement que les doctorants mystifient beaucoup, c’est un moment auquel on pense tout au long du doctorat, sans parvenir à se l’approprier ni à l’aborder clairement dans notre esprit. Alors, comment se passe la soutenance de thèse ? Je ne sais pas si vous avez déjà pensé à des évènements futurs censés marquer votre vie : le mariage, la naissance d’un enfant, ou le fait d’être adulte quand on a dix ans, à ce qu’on fera plus tard, à ce qu’on aimerait devenir, ce genre de choses. Moi, ce sont des choses que j’ai beaucoup imaginées et pour certaines, que j’imagine encore toujours malgré moi. Et par moments, je me dis : si ça se trouve, je ne vivrai jamais ces moments. Mais ça ne m’empêche pas de les imaginer, d’en avoir des images claires dans mon esprit. La soutenance, ça a toujours été autre chose. Je ne sais pas pour vous mais pour moi, la soutenance était censée marquer ma vie. Elle était censée être le jalon qui me permettrait de devenir docteure, d’obtenir mon doctorat, et pour moi c’était important parce que j’avais l’impression que cela changerait quelque chose de moi, de mon identité. On a tous une raison de faire un doctorat. Souvent, on a une passion pour un sujet mais au fond, il y a autre chose. Avoir un doctorat, qu’est-ce que ça fait ? Qu’est-ce que ça fait d’être docteur ? Est-ce qu’on va mieux me considérer ? Est-ce qu’on va plus me respecter ? Est-ce que ça va changer mon quotidien ? Que penserais-je de moi si je devenais vraiment docteure ? Est-ce que je me respecterais davantage ? Est-ce que je me sentirais plus légitime ? Vous savez, j’ai assisté à plus de soutenances de thèses que je n’ai assisté à des mariages, et je ne suis pas mariée. Pourtant, je peux mieux imaginer mon mariage que je n’ai jamais pu imaginer ma soutenance de thèse. Je peux mieux imaginer le fait de devenir maman que je n’ai jamais pu imaginer le fait de soutenir ma thèse. Pourtant, je ne crois pas que me marier changera mon identité ou mon statut dans la société, alors que je le pensais vis-à-vis de ma soutenance. Est-ce que vous aussi ? Quand j’ai soutenu ma thèse, je travaillais dans une entreprise où je m’étais fait embaucher en CDI quelques mois plus tôt. J’avais enfin acquis cette fameuse sécurité de l’emploi, je gagnais bien ma vie, j’avais complètement changé de quotidien. J’en avais eu besoin lorsque j’avais fini d’écrire le manuscrit. Je l’ai déjà raconté, j’ai tout quitté au moment où j’avais fini mon manuscrit : mon conjoint, le lieu où je vivais, mon entourage, tout. Sans l’avoir voulu, tout cela s’était fait naturellement. Dès lors que j’ai eu fini d’écrire mon manuscrit, c’était comme si tout le reste aussi s’était fini. J’y pense souvent, car je pense que je cherche encore à comprendre ce qui s’est passé entre le moment où j’ai décidé de finir d’écrire cette thèse et celui où je l’ai soutenue – cela représente une période de six mois durant laquelle ma vie s’est complètement transformée. Donc, je travaillais dans cette entreprise depuis quelques mois. C’était l’œil du cyclone ; j’avais passé un été calme après avoir tout quitté ; j’étais célibataire, j’avais un vrai travail, j’avais un appart que j’aimais et j’attendais ma soutenance de thèse. De temps en temps, mon directeur m’écrivait un mail. Il me disait : « il faut réécrire telle partie » ou « il manque une référence à telle page » ou encore « il faut qu’on se voie pour discuter de la soutenance ». C’était le mois de septembre. Je répondais vaguement et je faisais le minimum. Il y avait une partie qui ne convenait pas. Au lieu de la réécrire, je l’ai supprimée complètement. Rayée de la carte. Quand j’ai relu le sommaire de ma thèse, je me suis rendue-compte que c’était mieux comme ça, que les parties s’enchainaient mieux et que c’était plus logique ; mon directeur en a convenu lui aussi. Ce n’était pourtant pas mon intention. Six mois plus tôt, j’aurais réécrit cette partie, j’aurais repoussé la date de la soutenance, j’aurais ressorti les livres, j’aurais lu, cherché ; je ne l’aurais jamais supprimée. Là, c’était la seule chose à faire. Dans mon nouvel appartement, les livres sont restés dans les cartons pendant des mois. Chercher une référence revenait à faire de la spéléologie dans la vingtaine de cartons de livres. Je ne voulais pas les déballer, je m’y refusais. C’était fini. Le cordon ombilical était coupé, je n’avais plus rien d’organique à donner pour cette thèse. Quelques jours avant la soutenance, j’ai rencontré quelqu’un – mon conjoint depuis. Pour sa première venue chez moi, j’ai déballé les cartons de livres parce que je ne pouvais plus les laisser là, empilés derrière ma porte d’entrée. Qu’en aurait-il pensé ? Qu’aurais-je dit ? Je ne savais pas moi-même quoi en penser et surtout, je voulais éviter le sujet. La veille de la soutenance, je travaillais. En arrivant au travail, j’ai fait un malaise, une grosse crise d’angoisse. J’étais tellement stressée que j’étais incapable de faire quoi que ce soit. Je n’arrivais plus à respirer, je ne voulais plus respirer. Pourtant, j’allais très bien le jour précédent. Le calme était rompu ; le cyclone était toujours là. Il guettait depuis tout ce temps et il s’apprêtait à tout ravager. Mon employeur a dû appeler ma mère parce que je n’étais même pas capable de rentrer moi-même. Tu imagines ? À trente ans, ma mère est venue me chercher au travail, elle m’a emmenée chez le médecin et j’ai dormi chez mes parents la veille de ma soutenance de thèse. Le jour de ma soutenance, c’était le fameux jour. Juste, le jour que je n’avais jamais pu imaginer. Le jour-néant, le jour-flou, celui qui allait probablement faire trembler la Terre, me faire crever le plafond de verre, m’anéantir, me propulser dans l’au-delà. C’était comme le jour de ma mort, un jour qu’on

INSCRIPTION EN DOCTORAT : COMMENT TROUVER SON DIRECTEUR DE THÈSE ET CHOISIR UN SUJET DE RECHERCHE ? 3 étapes

INSCRIPTION EN DOCTORAT : COMMENT TROUVER SON DIRECTEUR DE THÈSE ET CHOISIR UN SUJET DE RECHERCHE ?

L’inscription en doctorat relève d’une démarche spécifique qui ne s’improvise pas : tout candidat au doctorat se doit d’avoir construit un projet de recherche précis et convaincant pour pouvoir procéder à une inscription administrative dans une université française. Contrairement à une entrée en master de recherche, le projet de recherche doctoral doit être rédigé avant, et non après l’inscription administrative. De fait, le futur doctorant est souvent seul durant la phase préliminaire à l’inscription en doctorat, et les étapes qui la précèdent peuvent se révéler complexes et décourageantes lorsqu’on n’est pas guidé à travers elles. Dans cet article, je vous indique quelles sont ces étapes, toutes les choses à savoir et comment vous y prendre pour construire votre projet doctoral de A à Z afin de faciliter votre admission en doctorat. 1. Les étapes préliminaires : faire le point Si vous souhaitez vous inscrire en doctorat, c’est probablement que vous avez déjà un domaine de prédilection, une passion ou un intérêt vif pour un sujet, et que vous êtes muni d’une certaine expérience et d’un certain goût pour la recherche. Généralement, l’inscription en doctorat se fait dans la continuité d’un master de recherche : parfois l’année d’après, parfois après avoir passé plusieurs années dans le monde professionnel. Dans les deux cas, les étapes de l’inscription en doctorat sont très différentes d’une inscription en master, principalement parce que le projet de recherche doit être conçu avant l’inscription administrative. Avant de commencer vos démarches pour trouver votre directeur, définir votre sujet, rédiger votre projet doctoral et rechercher des financements, il faut d’abord faire le point et se poser un certain nombre de questions : avant toute chose, définissez clairement sur un document que vous conserverez jusqu’à la fin du doctorat, les raisons pour lesquelles vous voulez vous lancer dans ce projet. Pourquoi voulez-vous entreprendre un doctorat ? Ce pourquoi est important parce qu’il sera régulièrement remis en question et relégué au second plan, de sorte qu’il est possible d’oublier rapidement les raisons qui vont ont motivé à entreprendre un tel projet. Conserver ce document vous permettra de revenir aux sources à chaque fois que le doute s’insinuera, et vous évitera de le laisser s’installer. Sachez que la réussite en doctorat, qui est un projet de longue haleine, va se jouer au mental. Je ne le répèterai jamais assez : tout est dans le mental. Les raisons d’abandonner votre thèse au cours des 3 à 5 ans qui vont suivre votre inscription, vont se multiplier, alors gardez toujours au fond de vous la conviction qui vous a guidé durant ces étapes préliminaires. Maintenant que vous êtes sûr de vouloir vous inscrire et d’aller au bout de ce projet, évoquons les questions préliminaires à se poser concernant votre domaine de recherche : quel est votre sujet de prédilection ? Est-il déjà précisément défini, ou pas encore ? S’inscrit-il dans la continuité de votre mémoire de master, ou pas vraiment ? Connaissez-vous les noms des chercheurs qui travaillent dans ce domaine, ou pas du tout ? Avez-vous beaucoup lu sur ce sujet, ou pas encore ? Aimez-vous votre sujet, ou vos motivations pour cette recherche sont ailleurs ? Qu’apporterait votre travail dans le domaine que vous visez ? Où en êtes-vous exactement dans votre approche de votre sujet ? Toutes ces questions sont importantes, non seulement pour vous mais aussi parce que c’est ce que vous demanderont les directeurs que vous allez solliciter pour diriger vos travaux. Souvenez-vous qu’ils ne vous connaissent pas, qu’ils ne vous prendront jamais par la main, et que la première impression est souvent la bonne concernant les étudiants et futurs doctorants. Votre futur directeur voudra savoir si vous savez de quoi vous parlez ou s’il va falloir tout vous apprendre – dans le premier cas il vous répondra, dans le second les chances qu’il vous réponde sont très faibles. Sachez précisément de quoi vous parlez avant de contacter qui que ce soit. Attention : cela ne signifie pas que vous devez avoir un projet de thèse parfaitement défini, mais que vous devez connaître suffisamment le domaine de recherche que vous visez, le nom de ses acteurs, et les travaux en cours. Maintenant que vous êtes au point sur votre relation à votre domaine de recherche, posez-vous quelques questions sur la manière dont vous avez l’intention de financer votre doctorat : avez-vous des pistes concernant un éventuel financement par une institution ? Cela peut-être une université, un conseil régional, un centre de recherche ou une entreprise. Si ce n’est pas le cas, pas de panique, c’est tout à fait normal. Mais renseignez-vous sur les potentiels acteurs qui pourraient vous financer : il y a des appels à projet qui sont régulièrement publiés, il serait dommage de passer à côté d’une belle opportunité. Cette recherche préliminaire vous permettra de repérer les institutions et les acteurs de votre champ de recherche qui se situent hors université, de les solliciter et de suivre leurs actualités tout au long de votre doctorat. Sachez que beaucoup de doctorats en France sont autofinancés, c’est-à-dire financés par les doctorants eux-mêmes. Si vous êtes dans un domaine des sciences humaines et sociales (SHS), c’est toujours monnaie courante et vous pouvez par exemple envisager d’être salarié d’une entreprise durant votre doctorat. Cela requiert beaucoup de rigueur et d’autodiscipline, mais des dizaines de thèses autofinancées sont soutenues chaque année en France. Par ailleurs, rien ne vous empêche de commencer votre doctorat sans financement et de continuer à rechercher des financements pendant le doctorat. C’est ce que j’ai fait : j’ai travaillé en parallèle de ma thèse durant les trois premières années, et j’ai obtenu un financement de l’université de Yale à la fin de ma thèse. L’offre de financement que j’ai obtenue était spécifiquement proposée à un doctorant qui était en fin de doctorat. Si j’avais attendu que cette offre soit publiée pour m’inscrire en doctorat, je n’aurais pas pu l’obtenir puisqu’il fallait déjà avoir une certaine expérience de la recherche et être suffisamment avancé dans sa recherche pour pouvoir y prétendre. Ce financement m’a permis de terminer ma thèse bien plus vite que prévu, et de le faire avec

ENSEIGNER À L’UNIVERSITÉ : POURQUOI J’AI ARRÊTÉ ?

C’est un sujet d’actualité puisque j’ai justement matière, cette semaine, à évoquer de nouveau ce sujet et à y réfléchir. Il y a trois semaines, alors que j’avais abandonné tous mes cours à l’université depuis un an, j’ai été recontactée par la collègue qui m’avait recrutée à l’origine pour l’un de mes cours. Elle me propose de le reprendre et pour diverses raisons, j’accepte. L’épopée qui a suivi est la matière qui m’impose aujourd’hui de prendre la plume pour vous raconter cette histoire flamboyante. Durant mes années de doctorat, j’ai enseigné à l’université et j’ai eu plusieurs cours à ma charge dans deux universités différentes – l’une privée, l’autre publique. J’enseignais principalement l’histoire de l’art à différents niveaux, mais pas seulement : j’ai eu des ateliers d’écriture, un cours d’inspirations musicales et un cours de culture générale destiné à des étudiants qui préparaient le concours d’entrée en master de sciences politiques. Passionnant, me direz-vous ! En effet. J’ai eu la chance d’être recrutée tôt, et j’ai vraiment adoré enseigner. J’adore toujours enseigner, même si je dois dire qu’après cinq ans je commençais à m’ennuyer dans certains de mes cours : je trouvais redondant de répéter les mêmes choses, les mêmes remarques, les mêmes appréciations et surtout, j’étais frustrée de devoir autant rester en surface. Quand vous commencez à enseigner, vous avez l’impression que les étudiants de première année en savent plus que vous et qu’ils vont vous piéger avec leurs questions, puis avec l’expérience, vous comprenez que le risque est faible, en réalité, et que le propos est un propos de surface. Vous n’allez pas dans le détail car vous n’avez pas le temps de le faire, ce qui est contradictoire avec le fait d’être recruté en tant qu’expert dans un domaine. Je suis spécialiste de l’histoire de l’art britannique, mais je suis recrutée pour enseigner l’histoire de l’art à un niveau licence. Forcément, je ressens un fort décalage entre mon travail de recherche et l’enseignement, alors que j’avais en tête depuis toujours l’idée d’une complémentarité entre les deux casquettes de l’enseignant-chercheur. Bien sûr, j’ai pensé que j’évoluerai, que ça arriverait par la suite et dans un premier temps, faire mes armes de cette manière me paraissait tout à fait sain et parfaitement normal. J’ai donc renouvelé et adapté mes cours de façon à moins me répéter. Mais le programme m’était imposé, parfois à l’œuvre près. Je n’avais pas la liberté de créer mon propre programme, et j’avais même un TD dans lequel je devais spécifiquement évoquer une liste d’œuvres d’art et pas d’autres. Pour parler de classicisme, on projette telle œuvre de tel artiste ; pour évoquer le romantisme, telle œuvre ; pour le modernisme, telle œuvre ; etc. La première année, avoir ce cadre m’a convenu : cela m’a permis de ne pas partir dans tous les sens et ça m’a fait gagner un temps précieux puisque je n’avais pas à rechercher les œuvres et à élaborer de programme cohérent – rappelons qu’à l’université, nul n’est formé à enseigner ; comme tout un chacun, je me suis donc improvisée enseignante. Rappelons aussi que j’ai été recrutée seulement quelques jours ou quelques semaines avant le début du semestre, selon les cours et les années, et qu’enseigner n’a jamais été mon activité principale : si j’ai déjà atteint les treize heures de cours par semaine, j’avais un emploi alimentaire à temps plein par ailleurs et accessoirement, j’étais doctorante non financée mais élue comme représentante des doctorants auprès du laboratoire et de l’école doctorale. On comprend alors mieux que je n’aie pas, durant mes années doctorales, fait grand cas du type de contrat qui m’était proposé : dans le public, je n’étais qu’une simple vacataire tandis que dans le privé, j’ai été beaucoup mieux rémunérée (et mensuellement !) mais j’ai été remerciée par mail quelque temps après ma soutenance de thèse. En tant que docteure, je coûtais dès lors bien trop cher. Heureusement, lorsque j’ai reçu ce mail, j’avais déjà décidé de prendre mes distances avec l’université : comme je l’ai déjà évoqué, mon état de santé durant mon doctorat s’était gravement détérioré suite à un burn-out et j’avais fini par être hospitalisée à deux reprises dans de piteux états durant ma dernière année de doctorat. Dès avant ma soutenance, j’avais pris le premier job correctement payé que j’avais trouvé et je m’étais fait embaucher en CDI. En 2019-2020, ce travail m’a permis de me poser, de faire le vide en attendant la soutenance et la différence de climat entre les deux atmosphères – celle de l’entreprise privée par rapport à celle de l’université – m’avait immédiatement fait beaucoup de bien. Je suis restée dans ce job le temps de me questionner sur mon avenir professionnel, que je n’avais jamais sérieusement envisagé en dehors de l’université. Je savais que ce n’était qu’un job provisoire, qui n’avait rien à voir avec ma formation et dont j’ai rapidement fait le tour. D’ailleurs, même si ce travail m’a permis de couper avec l’ambiance de l’université, j’y avais perdu un élément fondamental pour moi : ma liberté. En doctorat, même quand je n’étais pas financée, j’avais toujours eu le choix de mes horaires, de l’heure de mes pauses, de mes tâches du jour, de mon rythme, et ce même quand j’avais un job alimentaire à côté. Bref, l’année universitaire 2020-21 passe. J’avais renoncé à tous les cours que j’aurais pu garder et depuis janvier, j’avais construit mon projet pro et décidé de me lancer dans l’accompagnement aux doctorants à toutes les étapes de la thèse. J’ai lancé mon blog, ma chaîne Youtube, et dans ce contexte je suis donc recontactée il y a trois semaines par mon ancienne collègue, qui me propose de reprendre un cours d’histoire de l’art que j’avais laissé. Entre deux, j’étais devenue docteure et j’étais en plein déménagement de Lille vers la côte d’Opale – à deux heures de voiture environ. J’accepte de reprendre le cours – c’est celui dans lequel je n’avais pas le choix des œuvres. Pourquoi ? Parce que cela me permet de revenir vers l’université, avec mon projet à côté

ARRÊTER LA THÈSE ? 3 questions à te poser avant de prendre une décision

ARRÊTER LA THÈSE

Vous êtes nombreux à m’écrire pour me demander de l’aide lorsque vous songez à arrêter la thèse. Cette aide, elle est rarement méthodologique, elle n’a pas de rapport avec votre sujet de recherche, avec l’écriture de la thèse, la validation des crédits ou avec tout ce qui est relatif à la recherche en elle-même. Cette aide que vous cherchez, elle est psychologique, elle est morale. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’on n’est pas accompagné sur ces aspects durant le doctorat. Ce dernier est long, ses enjeux sont spécifiques, et on a beau le savoir et se le répéter avant, pendant, après, il n’en demeure pas moins qu’au quotidien la thèse pèse sur notre vie parce qu’elle nous empêche de nous projeter sereinement dans nos projets présents et futurs. Quand on est dans les premières années d’études, ce sont des choses qu’on vit aussi mais le fait de valider ses semestres chaque année permet de se sentir avancer et assez vite, on entrevoit la fin donc on peut se projeter. En doctorat, ce qu’on n’anticipe généralement pas, c’est que l’avancement n’est pas perçu de la même manière. Durant les premières années, l’avancement sera même souvent difficile à percevoir. C’est pourquoi l’idée d’arrêter sa thèse et d’abandonner le doctorat traverse de nombreux doctorants dès la fin de la première année. Cette idée va germer, elle va mûrir, elle va pousser des dizaines de doctorants à abandonner leur thèse et pour tous ceux qui persévèrent, elle va constamment leur opposer une résistance difficile à gérer et extrêmement énergivore. Alors, si tu penses à arrêter la thèse, pose-toi un peu avec moi et analysons la situation. Je vais te poser quelques questions et je t’invite à prendre le temps d’y répondre. Si tu penses souvent à arrêter ta thèse et que par moments – peut-être en ce moment – tu sens que c’est ce que tu dois faire, c’est certainement pour une ou plusieurs de ces raisons-là : tu as l’impression de ne pas avancer, tu ne te sens pas à la hauteur, tu n’as pas de financement, tu manques de temps pour travailler sur ta recherche, tu as le sentiment de ne pas maîtriser ton sujet, de ne pas maîtriser la méthodologie de la recherche, tu te sens isolé.e, tu ne sais pas comment t’y prendre pour publier, tu as peur de parler en public et l’idée d’enseigner ou de faire une communication t’effraie, tu as un accès limité aux sources, tu as l’impression que tout ce que tu as à faire prend un temps fou et dans l’ensemble, tu estimes que ton avancement est trop lent.             Si tu as l’impression que toutes les raisons que j’ai citées te concernent, bravo ! Tu es un.e doctorant.e particulièrement expérimenté.e, et je ne doute pas que tu aies déjà bien développé ta persévérance depuis le début de ton doctorat. Plus sérieusement, si plusieurs de ces raisons te concernent, il est naturel que tu t’interroges et il est possible que ta capacité à faire face aux difficultés ait atteint ses limites. Mais avant de prendre la décision d’abandonner le doctorat, assure-toi d’être au clair avec toi-même. La première question que je veux te poser est celle-ci : 1. Avant de songer à arrêter la thèse, pourquoi t’es-tu inscrit.e en doctorat ? Avant d’entrer en doctorat, on se dit que trois ans ou cinq ans d’études supplémentaires seront gérables, on croit mesurer cette durée, on croit être déjà passé par là puisqu’on a obtenu un master ou qu’on va l’obtenir. Ce qu’on n’anticipe pas, c’est que la notion d’avancement en doctorat est spécifique au doctorat et qu’elle n’a rien à voir avec celle qu’on connaît jusqu’au master, dans une vie professionnelle, dans une vie de couple ou dans une vie de famille : les jalons ne seront pas semestriels ou annuels, ils ne seront pas quantifiables, ils seront propres à chaque doctorant, et ils n’arriveront pas de manière régulière. Il est donc possible que rapidement, tu aies perdu de vue les raisons pour lesquelles tu as entrepris un doctorat au départ, la crainte de ne pas être à la hauteur prenant souvent le dessus sur ces jalons récalcitrants, qui n’arrivent pas régulièrement comme tu es habitué.e à les voir arriver : à la fin de la première année, tu n’as rien validé – à part peut-être un ou deux crédits doctoraux qui n’ont pas réellement de valeur pour toi, tant la tâche qui reste à accomplir te paraît vaste. Tes résultats te paraissent infimes, tant l’année est passée vite, tant les lectures préliminaires ont été longues et laborieuses, tant le sujet de ta recherche a changé et tant ta vision de ton propre sujet a bougé. Tu ne vois plus du tout les choses de la même manière qu’au début ! Mais pourquoi, au départ, tu t’es inscrit.e en doctorat ? Prends le temps de répondre à cette question, parce que je suis sûre que même après tout ce qui s’est passé depuis ta première inscription, et en dépit de tout ce qui a pu évoluer et changer dans ton esprit depuis, la raison pour laquelle tu t’es lancé.e au départ n’a pas changé. Si c’est le cas et que la raison est intacte, alors il est possible que tu regrettes plus tard d’avoir arrêté : une fois la thèse sortie de ta vie et de ton esprit, il restera cette envie intacte d’obtenir un doctorat. 2. Avant de vouloir arrêter la thèse, que pensais-tu du doctorat ? Cela nous conduit à la deuxième question, qui est celle de ton approche du doctorat. On a beau dire que le doctorat apporte un certain nombre de compétences supplémentaires et une expertise réelle dans un domaine, on sait que ce diplôme est encore largement sous-estimé en France comme dans de nombreux pays, et qu’il n’est pas reconnu à sa juste valeur. Il n’apporte pas de valeur ajoutée réelle à un CV, excepté dans des domaines spécifiques comme la médecine. Souvent, on est conscient de cet aspect des choses avant de s’inscrire, et pourtant des centaines de candidats s’inscrivent

DOCTORAT | TROIS ERREURS À ÉVITER

            Si tu es doctorant, tu as sûrement conscience que le fait de terminer et d’obtenir ou non ton doctorat va se jouer au mental. Toutes les communautés de doctorants évoquent cet aspect, il est souvent au cœur des discussions lorsque les doctorants échangent en off. Bien souvent, ce qu’on veut savoir quand on rejoint une communauté de doctorants et qu’on lit les échanges ou qu’on partage soi-même son expérience, c’est si les autres vivent le doctorat de la même manière que soi. Ce n’est pas le cas de cette manière jusqu’au master. Mais le doctorat, c’est autre chose. Il y a autre chose en jeu qu’un simple diplôme, même si personne ne sait vraiment ce qui est en jeu. Ou plutôt, ce qui est en jeu est propre à chaque doctorant. Partant de là, quelques pièges sont à éviter. 1. GARDE TON PROPRE MINDSET PENDANT TOUTE LA DUREE DE TA THÈSE Avant de t’inscrire en doctorat, tu as réfléchi. Tu t’es demandé si tu voulais faire une thèse et pourquoi. Cette réflexion t’a amené à prendre la décision de te lancer. Tu as beau dire que tu ne sais pas pourquoi tu es en doctorat, c’est faux. Peut-être que tu ne sais pas où te mène ta thèse, mais tu sais pourquoi tu es en doctorat parce que tu as posé l’action de t’y inscrire. Cette action a forcément une origine, et tu t’en souviens chaque année au moment de te réinscrire. C’est pour ça que certains arrêtent et c’est pour ça que toi tu continues. Si aujourd’hui de nombreux doctorants affirment toutes sortes de choses à propos de leur doctorat, de leur place en doctorat et du statut de doctorant, de leur relation à leur doctorat et de ce qu’est un doctorat, la réalité c’est que tous se sont réinscrits année après année, certains jusqu’à l’obtention de leur doctorat, et c’est seulement ensuite que leur relation au doctorat et leurs réflexions à son égard ont pu évoluer. L’un des pièges en doctorat, c’est vraiment d’accorder de l’importance à ce qu’affirment les autres à propos de leur doctorat, parce que là où tu écoutes les autres se trouvent tes propres doutes sur ton doctorat. Tes doutes ne tarderont pas à se manifester, et c’est normal et c’est sain d’en avoir. Tu ne les identifieras pas forcément tout de suite, mais à chaque fois qu’un doctorant affirmera quelque chose qui va t’interpeler, et notamment quelque chose de négatif sur le doctorat, évite de t’approprier sa réflexion. Pourquoi ? Parce qu’à force de mettre les réflexions des autres sur nos doutes, on fait grandir nos doutes et on fait apparaître des doutes qui ne nous appartiennent pas. Nos doutes sont de subtils mélanges de convictions et de douleurs, de positif et de négatif, ils matérialisent la confrontation de notre intuition et de notre expérience. Un doute, c’est une confrontation mentale, une projection. Au début, tu t’inscris en doctorat parce que quelque chose t’y attire ; ensuite tu vis l’expérience d’être doctorant et tes projections de départ sont confrontées au réel. Le temps et l’expérience forgent donc tes doutes, c’est pour ça que tout le monde en a. Mais tes doutes ne sont pas ceux des autres parce que nous n’avons pas tous les mêmes convictions au départ, donc nous n’avons pas le même cheminement à travers les expériences. Les autres seront prompts à partager leurs doutes et leur négativité, c’est naturel. Le problème, c’est que ça a tendance à générer des émotions négatives sur l’entourage, dont tu fais peut-être partie. Or, la conviction que chacun a au moment de s’inscrire et de se réinscrire, personne n’en parle. Et pourtant, cette conviction contient plus de vérité par rapport aux actions que tu poses à chaque fois que tu te réinscris et dans ton quotidien de ta vie de doctorant. C’est à elle qu’il faut faire confiance, c’est elle qu’il faut écouter. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas douter, mais que les doutes des autres ne doivent pas te nourrir et t’atteindre. Ils vont dénaturer ta conviction. Un conseil : renvoie à ceux qui communiquent leurs doutes à l’origine de ceux-ci : leur conviction. Pourquoi continuent-ils leur doctorat s’ils ont tant de négativité à son égard ? Là, une discussion beaucoup plus constructive pourra s’ensuivre. 2. NE TE COMPARE PAS AUX AUTRES  De la même manière, ne te compare pas aux autres. Tu as un financement ? C’est ton financement, on te l’a confié pour différentes raisons et non, ce ne sont pas les mêmes raisons qui en ont amené d’autres à obtenir leur financement. Et alors ? Les raisons pour lesquelles tu as obtenu un financement n’ont pas moins de valeur que celles des autres. Tu n’as pas de financement ? Ça ne veut pas dire que ton travail a moins de valeur que celui de quelqu’un qui est financé. Tu n’as pas moins de valeur, donc ton travail non plus. Si tu veux un financement, continue de chercher un financement tout en étant doctorant, c’est ce que j’ai fait et c’est l’Ivy League qui a financé ma dernière année de thèse. Qu’est-ce que ça dit de mon travail ? Tu n’as pas besoin de travailler au même rythme que les autres doctorants, c’est ton rythme qu’il faut trouver. Tu n’as pas besoin non plus d’avoir les mêmes aspirations que les autres vis-à-vis de ton doctorat, tu n’as pas besoin de vouloir faire une carrière académique même si tu as l’impression que c’est ce que veulent tous les autres, tu n’as pas besoin de vouloir passer un concours même si c’est ce que font les autres autour de toi, tu n’as pas besoin de chercher un financement même si les autres disent que c’est mieux d’être financé, tu n’as pas besoin de publier si tu ne te sens pas prêt, tu n’as pas besoin d’organiser un colloque si tu n’en as pas envie, etc. Fais toutes ces choses pour toi, si ça a vraiment du sens pour toi. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas meilleure économie d’énergie

LES COMITÉS DE SUIVI DE THÈSE, ON EN PARLE ?

Les comités de suivi de thèse ont été mis en place en 2017. À ce moment-là, j’étais en troisième année de doctorat et j’étais élue au Conseil de laboratoire ainsi qu’à l’école doctorale comme représentante des doctorants, donc j’ai suivi très étroitement leur mise en place et j’étais en première ligne pour informer les doctorants, les guider et recueillir leurs nombreux questionnements vis-à-vis de ce comité. Et je peux vous dire que leurs craintes se sont révélées fondées, car ce qui avait été annoncé au départ comme une mesure de prévention contre les conflits et les problèmes de harcèlement de la part des directrices et directeurs de thèse envers leurs doctorants, s’est rapidement transformé en tout autre chose. Alors, quelles sont les problématiques qui se sont imposées après quatre ans, et comment gérer son comité de suivi de thèse à présent ? C’est le sujet qu’on aborde aujourd’hui. 1. Enjeux et problématiques du CST Au départ, la mise en place du CST partait d’un bon sentiment, et je dois dire que la mesure a été bien accueillie par les représentants élus parce que les problématiques de conflits avec les directeurs étaient de plus en plus courants et conduisaient à des catastrophes que personne ne semblait pouvoir éviter. C’était vraiment problématique. L’annonce de ce projet a donc été perçu comme une bonne proposition, en cela qu’elle offrait aux doctorants la possibilité d’avoir des interlocuteurs désignés par lui pour évoquer les problèmes, souvent graves, qui étaient rencontrés avec le directeur de thèse. Notre rôle était donc d’insister sur le fait que chaque doctorant devait absolument choisir des personnes de confiance, et non des personnes proches du directeur puisqu’en cas de problème, l’utilité du CST se révèlerait caduque. Pour nous, l’enjeu de ce choix était vraiment central et nous avons largement informé là-dessus à titre de prévention. Je me souviens donc parfaitement qu’au départ, les doctorants avaient un large choix, qu’ils pouvaient se tourner vers qui ils voulaient, Professeur HDR ou maître de conférence, dans l’université de rattachement ou non, donc les membres pouvaient être extérieurs à l’université dans laquelle nous étions inscrits, et surtout chaque doctorant était décisionnaire du choix des membres de son CST. C’était concerté avec le directeur, mais ce dernier n’avait pas le dernier mot. Aujourd’hui, il y a un flou énorme par rapport à tout cela et à mon avis, c’est extrêmement problématique. Premièrement, chaque école doctorale a sa propre charte concernant le CST. Ce qui veut dire que les modalités de la mise en place des comités de suivi de thèse ne sont pas les mêmes à Lille ou à Paris, à Marseille ou à Lyon, et pour le coup chaque école doctorale a vraiment son propre fonctionnement donc c’est totalementdifférent d’une école à une autre. Comment se concerter entre doctorants de différentes écoles, notamment sur les groupes externes aux universités, dans de telles conditions ? Plus personne ne peut plus conseiller ou aider qui que ce soit, tellement les modalités sont variées d’une école à une autre – et parfois même au sein d’une même université, comme c’est le cas à La Sorbonne. Quand on fait une recherche par école doctorale, on s’aperçoit tout de même d’un point commun entre la plupart des écoles, c’est que le doctorant n’est plus décisionnaire dans le choix des membres de son CST. C’est le seul point qui soit vraiment clair quand on regarde sur le site des écoles doctorales, où on apprend par exemple qu’à Strasbourg, « les experts sont choisis conjointement par le DT et le doctorant. » À l’EHESS, « le choix des membres du comité de thèse relève du directeur ou de la directrice de thèse en accord avec le ou la doctorant·e ». Dans ces deux exemples, le directeur de thèse a donc bien son mot à dire sur le choix des membres du CST, et on imagine mal un doctorant imposer son choix face à celui de son directeur. Ce serait source de conflit, non ? À la Sorbonne, cela dépend des écoles. Dans l’ED II, « le comité de suivi est constitué de deux à quatre membres désignés par le/la directeur/trice du laboratoire de rattachement, mais qui ne sont pas nécessairement issus de ce laboratoire », dans l’ED III « les comités de suivi sont constitués par l’école doctorale et comportent deux enseignants chercheurs rattachés à l’ED » et dans l’ED IV « le comité de suivi est constitué de deux enseignants-chercheurs, sur proposition du/de la directeur/trice de thèse. » Il serait vain de citer le fonctionnement de chacune des ED françaises. Ce qui est sûr, c’est qu’un rapide coup d’œil sur les différents sites permet de comprendre immédiatement que le doctorant n’a en réalité plus vraiment le choix des membres du CST et par suite, que le rôle et la vocation du CST sont à questionner, voire à remettre en cause : si les doctorants ne peuvent plus choisir les membres de leur CST, et si ce choix est donné au directeur de laboratoire, de l’ED ou de la thèse, comment espérer que le doctorant pourra confier ses difficultés à ces personnes ? Comment confier à un Professeur ou à un maître de conférence qu’on ne connaît pas – comprendre, dont on ignore tout des relations avec le directeur de thèse, qui peuvent être excellentes comme exécrables et avec qui on n’a peut-être jamais échangé ou bien avec qui, justement, nous avons des divergences – les problèmes qui sont rencontrés avec le directeur ? Mais le plus intéressant réside dans les précisions apportées par certaines écoles doctorales quant à la définition des dits problèmes. Ainsi, on peut lire sur le site de l’université de Lorraine qu’« il faut faire la distinction entre les problèmes graves et les plaintes mineures. Les conflits mineurs sont courants dans tout milieu de travail. Seuls les problèmes pouvant entraver le progrès de la thèse, ou affecter sa future carrière doivent être relatées. » Il faudrait donc déterminer, avant d’en parler au CST, si le problème rencontré est mineur ou s’il est grave. Mais la confusion va plus loin car il est ensuite précisé : « Dès

LE SYNDROME DE L’IMPOSTEUR EN DOCTORAT

Comment surmonter le syndrome de l’imposteur en doctorat ? Il y a quelques jours, un doctorant m’a contactée via mon site pour solliciter un échange au sujet de son doctorat. Il m’a dit qu’il doutait, qu’il hésitait à arrêter, et en trame de fond de son premier mail, j’ai senti surtout un désir de parler et d’échanger sur l’expérience du doctorat. Dans ma réponse, je lui ai demandé des précisions sur les problèmes qu’il rencontrait. Il m’a alors parlé de difficultés sérieuses, du manque de financement et de soutiens autour de lui, de son isolement et surtout : d’une impression de ne pas être à la hauteur. Il m’a dit qu’il envisageait d’abandonner son doctorat pour monter en compétences et ensuite se réinscrire et mener un nouveau projet doctoral. Alors, ça m’a donné un déclic pour évoquer ce sujet dans une vidéo à part entière : le fameux syndrome de l’imposteur en doctorat. 1. Pourquoi les doctorants ont le syndrome de l’imposteur en doctorat ? Si vous êtes en doctorat, vous êtes sans doute aux prises avec ce qu’on appelle communément le syndrome de l’imposteur. Je suis sûre que la plupart d’entre vous a déjà ressenti ce que ce doctorant m’a confié. Combien de fois, depuis le début de votre doctorat, vous vous êtes dits que vous n’aviez pas le niveau pour être en doctorat ? C’est drôle, parce que ce n’est pas quelque chose qu’on se dit souvent dans un parcours scolaire : en licence 1, on a sans doute tous eu cette impression que nous n’avions pas le niveau dans la filière que nous avions choisie, mais on est rarement allé jusqu’à se dire : « je vais arrêter ma licence et revenir quand j’aurai le niveau. » Même si on l’a envisagé, on s’est vite rappelé qu’on était là pour apprendre. Ça n’aurait pas de sens d’interrompre un apprentissage pour apprendre, et reprendre l’apprentissage une fois qu’on a l’impression d’avoir suffisamment de connaissances. Qui fait ça ? En réalité, je suis sûre que nous avons tous, à un moment ou à un autre, eu le sentiment de ne pas avoir le niveau : pas le niveau pour avoir le BAC, pas le niveau en licence, pas le niveau pour passer le permis, pas le niveau pour entreprendre un nouveau projet quel qu’il soit. Qui a eu le sentiment d’être un maître en sa matière après l’obtention d’un master ? Si vous êtes là, maîtres, manifestez-vous. Personnellement, je suis la dernière personne à pouvoir prétendre avoir eu le sentiment d’avoir une expertise quelconque à la sortie de mon master. Sortir de l’université avec un master, c’est un peu comme obtenir son permis : il nous manque l’expérience, et beaucoup de choses restent à apprendre. Alors, pas étonnant que la plupart des doctorants souffrent de ce symptôme de l’imposteur en doctorat. Parce qu’en doctorat, tout change, et notamment le statut que nous avons. Plus vraiment étudiant, mais toujours apprenant ; parfois sous contrat, parfois sans financement ; parfois enseignant, parfois chômeur, parfois les deux en même temps. C’est le terrain idéal pour la prolifération d’idées qui vont à l’encontre de la confiance en soi et de l’accomplissement. Les doctorants financés et les doctorants qui ne le sont pas ont ceci de commun qu’ils doutent profondément d’être vraiment à la hauteur : les premiers parce qu’ils sont rémunérés, les seconds parce qu’ils ne le sont pas. Viennent s’ajouter le cumul de responsabilités et de devoirs qui incombent aux doctorants : avoir tel niveau d’anglais, avoir tel réseau, avoir tel CV, avoir fait telles communications et telles publications dans telles revues, avoir la capacité à enseigner sans avoir reçu la moindre formation, etc. Ce sont autant de responsabilités qui interrogent sans cesse nos compétences et questionnent sans arrêt notre place à l’université. Exemple : si j’enseigne, je suis enseignant. Mais je n’ai pas reçu de formation d’enseignant, je n’ai pas le titre d’enseignant, je n’ai pas réussi ou pas encore tenté le concours de l’agrégation, pourquoi ai-je été recruté ? Pourquoi moi ? Autre exemple : si je publie dans une revue scientifique à comité de lecture, je suis un chercheur. Mais je n’ai pas le titre de docteur, je n’ai pas encore de réseau, je n’enseigne pas, mon nouvel article scientifique a été refusé par les reviewers. Alors, suis-je véritablement chercheur ? Tout tient en cette question redoutable : qu’est-ce qui fait de nous des chercheurs ? Qu’est-ce qui fait de nous des enseignants ? Le statut de doctorant a ceci de complexe, qu’il est un entre-deux dans lequel nous avons une activité sans avoir le titre qui va avec. Tu peux être doctorant en quatrième année, avoir publié quatre articles dans des revues sérieuses, organisé deux colloques et une journée d’études, avoir fait des conférences à l’étranger, écrire une thèse, faire de la recherche, enseigner, la réalité c’est celle-ci : si tu arrêtes maintenant, tu n’auras qu’un master et tout ce que tu as fait n’aura pas vraiment de valeur. Et ce sera toujours cette réalité-là que ton esprit te rappellera, chaque matin, chaque soir, chaque année, jusqu’à l’obtention de ton doctorat. 2. Surmonter le syndrome de l’imposteur en doctorat Chers doctorants, accrochez-vous. La première chose à comprendre c’est que tous les doctorants ressentent cela. Il y a sûrement des exceptions pour confirmer la règle, mais je n’en connais pas, je n’en ai jamais vu. De temps en temps, par périodes, vous allez reprendre confiance et redresser la tête, mais le temps passera et vous douterez à nouveau. Rien n’est jamais acquis en doctorat. Vous avez le sentiment de ne pas maîtriser votre sujet ? C’est normal. Vous n’êtes pas bilingue ? Ce n’est pas grave. Vous ne maîtrisez pas l’utilisation de tel logiciel ? Ce n’est pas grave. Vous êtes isolé et avez l’impression que tous les ouvrages importants sont à l’autre bout du monde, jamais dans la bonne fac ? C’est normal. Vous avez découvert un auteur essentiel dans votre domaine de recherche après deux ans ? C’est courant. Votre directeur n’a que faire de vos blocages ? Bienvenue au club. Vous n’avez rien publié depuis deux ans ? C’est courant. Vous doutez de la pertinence de votre problématique ? C’est

COMMENT REPERER LES FINANCEMENTS ACADEMIQUES ?

Que vous soyez au lycée, en licence, en master ou en doctorat, que vous ayez déjà commencé à publier et à communiquer ou non, vous pouvez tout à fait commencer à envisager de postuler sur des projets prestigieux.  Vous pouvez avoir envie de viser très haut, et ce n’est pas moi qui chercherai à vous en dissuader. Le problème, c’est qu’on ne sait pas toujours où chercher ces projets : je parle ici des bourses prestigieuses, des financements des grandes universités, des prix, des concours, des appels à projets et autres évènements de toutes sortes au sein du monde académique, que ce soit en France ou à l’étranger. Alors comment repérer ces financements et ces évènements prestigieux quand on débute ? C’est la question du jour ! Pour ceux qui préfèrent lire : Pour repérer les financements qui peuvent vous intéresser, vous avez deux procédés qui sont très efficaces et qui sont à utiliser en même temps : utiliser ces deux moyens vous permettra à mon avis de repérer la totalité des financements qui vous concernent. 1. La veille La première technique, c’est celle qu’on a tous tendance à utiliser de temps en temps quand on est déjà à un niveau avancé : quand on a un peu de temps et qu’on se prend à rêver — ou quand on procrastine un peu — on se balade sur les sites des labos et des centres de recherche qu’on connaît, et on regarde s’il n’y a pas de nouveaux appels d’offre. Du moins, c’est ce que je faisais quand j’étais en master et en doctorat. Quand on a vraiment le temps — ou qu’on a vraiment la flemme de se mettre à écrire le mémoire ou la thèse — on navigue un peu plus, on cherche des centres à l’étranger, on lit les commentaires des autres sous les posts qu’on trouve, on participe aux discussions et régulièrement, on fait de belles trouvailles ! Donc là, c’est de la recherche site par site, c’est de la veille, et en l’occurrence c’est une technique qui fonctionne assez bien dans l’ensemble car vous connaissez généralement votre sujet et vous allez rapidement identifier les labos et les centres en question. Il n’y en a pas cinquante en général, surtout si vous êtes en sciences humaines et sociales. Pour rendre ça plus efficace, prenez le temps de chercher les centres et les labos en question, repérez les pages Facebook et tous les groupes ou les communautés en ligne qui s’intéressent à votre domaine de recherche, ce qui vous permettra d’avoir pas mal d’infos servies sur un plateau. Au bout d’un moment, les informations arrivent à vous sans que n’ayez à les rechercher.  Le problème avec cette technique de veille, c’est qu’elle peut s’avérer être très lacunaire et c’est vrai qu’on peut passer à côté de belles opportunités en fonctionnant uniquement comme ça — notamment parce qu’on a tendance, une fois qu’on a nos repères dans les communautés qui s’intéressent à notre sujet, à rester sur elles et à oublier que de nouveaux groupes se créent en permanence sur internet.  Plus vous allez multiplier votre adhésion à des groupes, plus votre veille sera efficace. Mais ça reste chronophage et je pense à tous ceux qui débutent, et pour qui cette veille-là n’est pas du tout évidente au début. Donc je vous conseille une autre technique, qui à mon avis ne remplacera pas la première mais qui vous apportera sur un plateau une multitude d’opportunités auxquelles vous n’auriez sans doute jamais pensé. 2. ARMACAD Pour tous ceux qui cherchent des financements de prestige et qui ne savent pas à quelles portes frapper, ARMACAD va se révéler être votre meilleur ami : https://armacad.info/ ARMACAD, c’est le site qui référence tous les appels d’offre, les appels à candidature pour des postes, les appels à communication et les propositions de bourses, dans tous les domaines et dans le monde entier. La plupart de ces appels sont hyper prestigieux et le site relaie toutes les informations relatives à la proposition en question. Franchement, j’ai trouvé ce site par hasard après des années de recherche, et personne ne m’avait jamais parlé de ce site donc il fallait absolument que je vous en parle.  Vous pouvez faire autant de recherches que vous voulez mais je vous conseille fortement de créer un compte, comme ça toutes les semaines vous recevez un mail avec toutes les opportunités qui peuvent vous concerner et/ou vous intéresser : tous les lundis, vous avez votre liste. A la création de votre compte, le site va vous demander de paramétrer en fonction de votre spécialité ET de vos intérêts. Je vous conseille de ne pas viser trop large histoire de ne pas être noyés de propositions qui finalement ne vous concernent pas ou pas encore. Entrez tout simplement les paramètres en fonction de votre situation actuelle.  Par la suite, vous pourrez changer ces paramètres et ces centres d’intérêt en fonction de l’évolution de votre travail et surtout des étapes que vous allez passer : si vous êtes en master, vous mettez tout ce qui vous intéresse en fonction de ce niveau-là, donc vous pouvez cocher les propositions de contrats doctoraux par exemple, et quand vous serez en doctorat vous pourrez changer et demander les contrats post-doctoraux — et ainsi de suite. Si vous êtes en sciences humaines, n’hésitez pas à élargir vos centres d’intérêt à plusieurs disciplines : par exemple, moi qui étais en histoire de l’art, bien entendu j’avais coché arts et histoire mais j’avais aussi coché la littérature, la philosophie, la sociologie, car aujourd’hui les disciplines ont tendance à se décloisonner et vous pouvez très bien trouver un appel à communication sur un thème large — comme « la guerre » —, et être concerné comme le serait un doctorant en sociologie, en histoire ou en littérature. Bref, vous voyez ce que je veux dire. Pour moi, l’intérêt de ce site est multiple : je le trouve génial car les informations viennent à moi. Elles concernent tous les aspects de

QUEL RYTHME DE TRAVAIL EN DOCTORAT ?

Bonjour à toutes et à tous ! La question du rythme de travail lorsqu’on est en doctorat, c’est une question qui est beaucoup revenue au cours du temps.  Faire un doctorat, ça suppose une énorme capacité de travail, mais la difficulté ce n’est pas tant ça.  La difficulté, c’est que quand vous êtes en doctorat, vous devez être à la fois un sprinter.euse et un marathonien.ne. Il faut tenir sur du très long terme sans garantie de réussite, puisque vous êtes sur un projet de recherche qui va durer cinq ans en moyenne, mais en même temps vous avez tous les micro-projets autour qui vous demandent de faire des sprints, tout le temps. Donc c’est un rythme qui est très spécifique et qui a priori requiert une certaine discipline, une rigueur à toute épreuve, et moi en fait je voudrais nuancer un petit peu tout ça en vous parlant de mon expérience. Quel rythme de travail en doctorat ? C’est la question que je voudrais aborder aujourd’hui parce que je connais beaucoup de doctorants qui culpabilisent énormément par rapport à ça et j’ai envie de vous dire un certain nombre de choses. 1. Théorie vs. Réalité Premièrement, c’est tout bêtement que la théorie et la réalité sont deux choses très différentes. La théorie, c’est qu’un doctorant est extrêmement rigoureux, hyper régulier, et avec une motivation sans faille. Moi, je dirais que pour être vraiment honnête, je n’ai pas du tout été régulière dans mon travail de doctorante, et je n’ai plus du tout honte de le dire. Je pense vraiment qu’il faudrait être un robot pour réussir à tenir autant de pression et autant de travail sur autant d’années parce que dans l’ensemble, je pense que c’est mentalement inhumain. Personne ne peut faire ça, ou alors présentez-moi cette personne.  La réalité c’est qu’une personne qui travaillerait régulièrement, toujours de la même façon, avec une intensité constante sur des tâches aussi variées, quotidiennes et de très long terme, c’est une personne qui ne PEUT PAS avoir d’idées. Alors oui, il ou elle va peut-être écrire sa thèse SHS en deux ans, mais je doute que la thèse qui sera produite soit autre chose qu’une coquille vide. La réalité du doctorat c’est qu’il faut avoir du temps pour penser, pour prendre du recul, pour avoir des idées et les projeter, les lier les unes aux autres. Il faut penser les choses qu’on lit, autrement les chercheur.se.s auraient été remplacé.e.s par des ordinateurs et des bases de données depuis bien longtemps.  Les idées que vous aurez, vous ne pouvez pas les programmer. Vous ne pouvez pas vous dire que le lundi matin vous allez prendre deux heures pour penser et avoir vos idées, ou que vous allez le faire 30 min tous les jours, et qu’ensuite vous allez enchaîner les actions. L’expérience du doctorat, c’est comprendre que ça ne marche pas comme ça et qu’en réalité les idées vont et viennent, que par moments vous allez vous mettre en mode machine mais qu’à d’autres moments vous allez avoir besoin de ralentir et de lâcher du leste, et ce pour le bien de votre travail. C’est justement ça toute la difficulté. 2. Mon handicap : corps vs. esprit  Personnellement, cette question a été au centre de mes réflexions quasiment toutes les semaines pendant toutes mes années de thèse. Parce que je culpabilisais énormément, mais en même temps je tendais vraiment à déculpabiliser mes ami.e.s doctorant.e.s qui étaient dans la même culpabilité que moi sur la question du rythme. On se prend beaucoup la tête avec ça, et on n’en parle entre soi très rarement, c’est tabou en fait.  Quand on est tous ensemble, on met tous nos masques et on joue aux parfait.e.s doctorant.e.s hyper serein.e.s, hyper à l’aise avec notre rythme de vie et hyper épanoui.e.s dans le monde des idées. Et rien que ça, c’est épuisant. Combien de fois suis-je rentrée chez moi après un colloque, complètement lessivée à cause des pauses qu’il y a sur ces évènements ? Les pauses ! Tout un sujet. Vous êtes tranquille dans votre bulle pendant que les intervenants passent, certains vous donnent des idées, vous prenez du recul sur votre recherche grâce à ces évènements, vous vous sentez respirer et puis viennent les pauses. Les pauses café durant lesquelles il faut socialiser, avoir l’air intelligent.e, sourire et parler de notre recherche alors qu’on a le nez collé dessus et qu’on est devenu.e.s les pires ambassadeur.rice.s de nos propres idées ! Bref. Mon handicap. Je vais vous dire une chose : en première année de thèse (2014), j’ai fait un gros burn-out parce que j’avais tout enchaîné depuis le bac sans soutien, et j’avais clairement tiré sur la corde pendant mes années de licence et de master sans faire la moindre pause et sans avoir pu me ressourcer. En doctorat, je suis arrivée avec tout mon enthousiasme et vraiment un très bel élan, j’étais à l’aise avec le fait de cumuler les études et la vie professionnelle, j’avais mon beau petit planning et je me sentais assez bien. Et puis un jour, d’un seul coup au bout de trois mois, je suis rentrée du taf à 9 heures du matin — je travaillais de nuit — et ça a été le black out. J’ai ouvert la porte de chez moi, j’étais censée me mettre direct au travail, il faisait super beau dehors et vraiment, une belle journée s’annonçait.  Et en fait, je m’en souviendrai toute ma vie : je me suis figée, mon corps s’est bloqué. J’avais ma veste, mon sac comme ça à mon épaule, et je me suis figée. Je me suis assise dans mon canapé, j’ai eu une sensation vraiment violente qui me disait que j’allais mourir quoi, là, maintenant. J’ai eu peur. J’ai appelé ma soeur, qui était à l’époque en congés maternité et qui habitait à 40 minutes de chez moi et elle est venue. Quand elle est arrivée, j’étais exactement dans la même position avec mon sac à l’épaule