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ARRÊTER LA THÈSE ? 3 questions à te poser avant de prendre une décision

Vous êtes nombreux à m’écrire pour me demander de l’aide lorsque vous songez à arrêter la thèse. Cette aide, elle est rarement méthodologique, elle n’a pas de rapport avec votre sujet de recherche, avec l’écriture de la thèse, la validation des crédits ou avec tout ce qui est relatif à la recherche en elle-même. Cette aide que vous cherchez, elle est psychologique, elle est morale. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’on n’est pas accompagné sur ces aspects durant le doctorat. Ce dernier est long, ses enjeux sont spécifiques, et on a beau le savoir et se le répéter avant, pendant, après, il n’en demeure pas moins qu’au quotidien la thèse pèse sur notre vie parce qu’elle nous empêche de nous projeter sereinement dans nos projets présents et futurs.

Quand on est dans les premières années d’études, ce sont des choses qu’on vit aussi mais le fait de valider ses semestres chaque année permet de se sentir avancer et assez vite, on entrevoit la fin donc on peut se projeter. En doctorat, ce qu’on n’anticipe généralement pas, c’est que l’avancement n’est pas perçu de la même manière. Durant les premières années, l’avancement sera même souvent difficile à percevoir. C’est pourquoi l’idée d’arrêter sa thèse et d’abandonner le doctorat traverse de nombreux doctorants dès la fin de la première année. Cette idée va germer, elle va mûrir, elle va pousser des dizaines de doctorants à abandonner leur thèse et pour tous ceux qui persévèrent, elle va constamment leur opposer une résistance difficile à gérer et extrêmement énergivore.

Alors, si tu penses à arrêter la thèse, pose-toi un peu avec moi et analysons la situation. Je vais te poser quelques questions et je t’invite à prendre le temps d’y répondre.

Si tu penses souvent à arrêter ta thèse et que par moments – peut-être en ce moment – tu sens que c’est ce que tu dois faire, c’est certainement pour une ou plusieurs de ces raisons-là : tu as l’impression de ne pas avancer, tu ne te sens pas à la hauteur, tu n’as pas de financement, tu manques de temps pour travailler sur ta recherche, tu as le sentiment de ne pas maîtriser ton sujet, de ne pas maîtriser la méthodologie de la recherche, tu te sens isolé.e, tu ne sais pas comment t’y prendre pour publier, tu as peur de parler en public et l’idée d’enseigner ou de faire une communication t’effraie, tu as un accès limité aux sources, tu as l’impression que tout ce que tu as à faire prend un temps fou et dans l’ensemble, tu estimes que ton avancement est trop lent.

            Si tu as l’impression que toutes les raisons que j’ai citées te concernent, bravo ! Tu es un.e doctorant.e particulièrement expérimenté.e, et je ne doute pas que tu aies déjà bien développé ta persévérance depuis le début de ton doctorat. Plus sérieusement, si plusieurs de ces raisons te concernent, il est naturel que tu t’interroges et il est possible que ta capacité à faire face aux difficultés ait atteint ses limites. Mais avant de prendre la décision d’abandonner le doctorat, assure-toi d’être au clair avec toi-même. La première question que je veux te poser est celle-ci :

1. Avant de songer à arrêter la thèse, pourquoi t’es-tu inscrit.e en doctorat ?

Avant d’entrer en doctorat, on se dit que trois ans ou cinq ans d’études supplémentaires seront gérables, on croit mesurer cette durée, on croit être déjà passé par là puisqu’on a obtenu un master ou qu’on va l’obtenir. Ce qu’on n’anticipe pas, c’est que la notion d’avancement en doctorat est spécifique au doctorat et qu’elle n’a rien à voir avec celle qu’on connaît jusqu’au master, dans une vie professionnelle, dans une vie de couple ou dans une vie de famille : les jalons ne seront pas semestriels ou annuels, ils ne seront pas quantifiables, ils seront propres à chaque doctorant, et ils n’arriveront pas de manière régulière.

Il est donc possible que rapidement, tu aies perdu de vue les raisons pour lesquelles tu as entrepris un doctorat au départ, la crainte de ne pas être à la hauteur prenant souvent le dessus sur ces jalons récalcitrants, qui n’arrivent pas régulièrement comme tu es habitué.e à les voir arriver : à la fin de la première année, tu n’as rien validé – à part peut-être un ou deux crédits doctoraux qui n’ont pas réellement de valeur pour toi, tant la tâche qui reste à accomplir te paraît vaste. Tes résultats te paraissent infimes, tant l’année est passée vite, tant les lectures préliminaires ont été longues et laborieuses, tant le sujet de ta recherche a changé et tant ta vision de ton propre sujet a bougé. Tu ne vois plus du tout les choses de la même manière qu’au début !

Mais pourquoi, au départ, tu t’es inscrit.e en doctorat ? Prends le temps de répondre à cette question, parce que je suis sûre que même après tout ce qui s’est passé depuis ta première inscription, et en dépit de tout ce qui a pu évoluer et changer dans ton esprit depuis, la raison pour laquelle tu t’es lancé.e au départ n’a pas changé. Si c’est le cas et que la raison est intacte, alors il est possible que tu regrettes plus tard d’avoir arrêté : une fois la thèse sortie de ta vie et de ton esprit, il restera cette envie intacte d’obtenir un doctorat.

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2. Avant de vouloir arrêter la thèse, que pensais-tu du doctorat ?

Cela nous conduit à la deuxième question, qui est celle de ton approche du doctorat. On a beau dire que le doctorat apporte un certain nombre de compétences supplémentaires et une expertise réelle dans un domaine, on sait que ce diplôme est encore largement sous-estimé en France comme dans de nombreux pays, et qu’il n’est pas reconnu à sa juste valeur. Il n’apporte pas de valeur ajoutée réelle à un CV, excepté dans des domaines spécifiques comme la médecine. Souvent, on est conscient de cet aspect des choses avant de s’inscrire, et pourtant des centaines de candidats s’inscrivent quand même en doctorat chaque année. Pourquoi ? Telle est la question.

Toi, que penses-tu du doctorat ? Quelle valeur accordes-tu au doctorat ? Est-elle professionnelle, ou est-elle finalement plus personnelle ? Au fond, beaucoup de doctorants s’inscrivent pour des raisons très personnelles, très intimes, non pour la gloire mais bien pour la valeur personnelle qu’ils accordent à ce diplôme si prestigieux et si difficile à obtenir. Ce n’est peut-être qu’un challenge personnel, et dans ce cas, n’abandonne pas ton doctorat pour les nombreuses raisons que j’ai énumérées plus haut : tes raisons sont ailleurs, donc les ressources qu’il te faut mobiliser pour surmonter tes difficultés en doctorat sont ailleurs également. Il suffit quelquefois de trouver les bonnes armes pour avancer sereinement.

3. As-tu besoin de vacances, ou as-tu besoin d’arrêter ton doctorat ?

Enfin, il est important de se poser la question aussi simplement que ça : as-tu besoin d’une pause, d’un gros break avec ton doctorat, ou as-tu besoin d’arrêter ton doctorat ? Ce n’est pas la même chose. Une fois, j’ai pris la décision d’abandonner mon doctorat après de longs mois d’hésitation improductifs. Étrangement, ce n’était pas dans une période très difficile mais dans une période où j’étais heureuse par ailleurs, je n’étais pas au bout de ma vie mais au contraire, je me sentais bien et je n’avais plus envie de vivre ainsi, avec les difficultés morales et financières engendrées par le doctorat. J’avais envie d’avancer.

J’ai donc décidé d’arrêter, et c’est ce que j’ai fait pendant plusieurs mois. J’ai travaillé dans une entreprise et j’ai vécu ma vie. Jusqu’au moment des réinscriptions : je n’avais pas prévenu mon directeur, avec qui je n’avais pas de relation étroite et à qui je n’ai même pas eu l’idée de dire que j’avais décidé d’abandonner. Peut-être qu’inconsciemment, je n’étais pas décidée à 100% non plus puisqu’au moment des réinscriptions, ma réflexion a repris : me réinscrire, ou ne pas me réinscrire ?

Cette réflexion m’a poussée à me réinscrire et ma réinscription m’a redonné de l’élan. Finalement, j’avais seulement besoin de recul, j’avais besoin d’un gros break et six mois plus tard, il ne me restait que mon envie toujours intacte d’obtenir mon doctorat, et ma relation intime à mon doctorat m’a poussée à persévérer. J’ai repris ma recherche, j’ai obtenu mon doctorat deux ans plus tard et j’en suis intimement très heureuse. Pourtant, j’avais moi aussi toutes ces raisons communes d’arrêter mon doctorat, qui n’était pas supposé m’apporter de valeur ajoutée au niveau professionnel et qui pourtant a tout changé.

Obtenir mon doctorat m’a permis de me surmonter, d’être en lien permanent avec moi-même quelles que soient les difficultés, de finir sur du positif, de prendre une immense confiance en moi, de ne plus douter de mes capacités dans le domaine professionnel comme dans le domaine personnel. Le doctorat t’amène constamment à t’interroger et à te surpasser comme à repenser ton environnement ; il entrave tellement ta vie personnelle que tout ce qui aura subsisté à la fin t’apparaîtra clairement comme indestructible. Le doctorat construit des choses en vous dont vous n’avez pas conscience tant que ce n’est pas terminé. Je ne veux pas vous dire de ne pas arrêter votre doctorat, je veux vous dire de le faire seulement pour de bonnes raisons.

Bon courage à tous et à bientôt !

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ARRÊTER LA THÈSE
Durant le parcours doctoral, on est souvent tenté d’arrêter la thèse.
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