Si tu es doctorant, tu as sûrement conscience que le fait de terminer et d’obtenir ou non ton doctorat va se jouer au mental. Toutes les communautés de doctorants évoquent cet aspect, il est souvent au cœur des discussions lorsque les doctorants échangent en off. Bien souvent, ce qu’on veut savoir quand on rejoint une communauté de doctorants et qu’on lit les échanges ou qu’on partage soi-même son expérience, c’est si les autres vivent le doctorat de la même manière que soi. Ce n’est pas le cas de cette manière jusqu’au master. Mais le doctorat, c’est autre chose. Il y a autre chose en jeu qu’un simple diplôme, même si personne ne sait vraiment ce qui est en jeu. Ou plutôt, ce qui est en jeu est propre à chaque doctorant. Partant de là, quelques pièges sont à éviter.
1. GARDE TON PROPRE MINDSET PENDANT TOUTE LA DUREE DE TA THÈSE
Avant de t’inscrire en doctorat, tu as réfléchi. Tu t’es demandé si tu voulais faire une thèse et pourquoi. Cette réflexion t’a amené à prendre la décision de te lancer. Tu as beau dire que tu ne sais pas pourquoi tu es en doctorat, c’est faux. Peut-être que tu ne sais pas où te mène ta thèse, mais tu sais pourquoi tu es en doctorat parce que tu as posé l’action de t’y inscrire. Cette action a forcément une origine, et tu t’en souviens chaque année au moment de te réinscrire. C’est pour ça que certains arrêtent et c’est pour ça que toi tu continues.
Si aujourd’hui de nombreux doctorants affirment toutes sortes de choses à propos de leur doctorat, de leur place en doctorat et du statut de doctorant, de leur relation à leur doctorat et de ce qu’est un doctorat, la réalité c’est que tous se sont réinscrits année après année, certains jusqu’à l’obtention de leur doctorat, et c’est seulement ensuite que leur relation au doctorat et leurs réflexions à son égard ont pu évoluer.
L’un des pièges en doctorat, c’est vraiment d’accorder de l’importance à ce qu’affirment les autres à propos de leur doctorat, parce que là où tu écoutes les autres se trouvent tes propres doutes sur ton doctorat. Tes doutes ne tarderont pas à se manifester, et c’est normal et c’est sain d’en avoir. Tu ne les identifieras pas forcément tout de suite, mais à chaque fois qu’un doctorant affirmera quelque chose qui va t’interpeler, et notamment quelque chose de négatif sur le doctorat, évite de t’approprier sa réflexion. Pourquoi ?
Parce qu’à force de mettre les réflexions des autres sur nos doutes, on fait grandir nos doutes et on fait apparaître des doutes qui ne nous appartiennent pas. Nos doutes sont de subtils mélanges de convictions et de douleurs, de positif et de négatif, ils matérialisent la confrontation de notre intuition et de notre expérience. Un doute, c’est une confrontation mentale, une projection. Au début, tu t’inscris en doctorat parce que quelque chose t’y attire ; ensuite tu vis l’expérience d’être doctorant et tes projections de départ sont confrontées au réel. Le temps et l’expérience forgent donc tes doutes, c’est pour ça que tout le monde en a. Mais tes doutes ne sont pas ceux des autres parce que nous n’avons pas tous les mêmes convictions au départ, donc nous n’avons pas le même cheminement à travers les expériences.
Les autres seront prompts à partager leurs doutes et leur négativité, c’est naturel. Le problème, c’est que ça a tendance à générer des émotions négatives sur l’entourage, dont tu fais peut-être partie. Or, la conviction que chacun a au moment de s’inscrire et de se réinscrire, personne n’en parle. Et pourtant, cette conviction contient plus de vérité par rapport aux actions que tu poses à chaque fois que tu te réinscris et dans ton quotidien de ta vie de doctorant. C’est à elle qu’il faut faire confiance, c’est elle qu’il faut écouter. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas douter, mais que les doutes des autres ne doivent pas te nourrir et t’atteindre. Ils vont dénaturer ta conviction.
Un conseil : renvoie à ceux qui communiquent leurs doutes à l’origine de ceux-ci : leur conviction. Pourquoi continuent-ils leur doctorat s’ils ont tant de négativité à son égard ? Là, une discussion beaucoup plus constructive pourra s’ensuivre.
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2. NE TE COMPARE PAS AUX AUTRES
De la même manière, ne te compare pas aux autres. Tu as un financement ? C’est ton financement, on te l’a confié pour différentes raisons et non, ce ne sont pas les mêmes raisons qui en ont amené d’autres à obtenir leur financement. Et alors ? Les raisons pour lesquelles tu as obtenu un financement n’ont pas moins de valeur que celles des autres. Tu n’as pas de financement ? Ça ne veut pas dire que ton travail a moins de valeur que celui de quelqu’un qui est financé. Tu n’as pas moins de valeur, donc ton travail non plus. Si tu veux un financement, continue de chercher un financement tout en étant doctorant, c’est ce que j’ai fait et c’est l’Ivy League qui a financé ma dernière année de thèse. Qu’est-ce que ça dit de mon travail ?
Tu n’as pas besoin de travailler au même rythme que les autres doctorants, c’est ton rythme qu’il faut trouver. Tu n’as pas besoin non plus d’avoir les mêmes aspirations que les autres vis-à-vis de ton doctorat, tu n’as pas besoin de vouloir faire une carrière académique même si tu as l’impression que c’est ce que veulent tous les autres, tu n’as pas besoin de vouloir passer un concours même si c’est ce que font les autres autour de toi, tu n’as pas besoin de chercher un financement même si les autres disent que c’est mieux d’être financé, tu n’as pas besoin de publier si tu ne te sens pas prêt, tu n’as pas besoin d’organiser un colloque si tu n’en as pas envie, etc. Fais toutes ces choses pour toi, si ça a vraiment du sens pour toi. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas meilleure économie d’énergie et pas meilleure manière de le faire. Tu le feras forcément bien si tu le fais, et tu n’auras aucun regret de ne pas le faire.
Cultiver ta propre relation à ton doctorat te permettra de garder ton propre mindset et de bien vivre ton doctorat, quelle qu’en soit l’issue. N’oublie pas que tu n’es pas obligé de terminer ton doctorat, même si tu penses le contraire parce que les autres soutiennent leur thèse ou qu’ils te disent qu’il faut soutenir. Il n’y aura de soutenance que lorsque tu l’auras décidé, et il n’y aura de soutenance que si c’est ce que tu désires et que ça a du sens pour toi.
3. NE CÈDE PAS AUX « ÇA SERT À RIEN »
S’il y a bien une chose qui te hante c’est bien cette phrase-là. Pourquoi ? Parce qu’elle remet toujours tout en question. Tu peux avoir le mindset le plus béton vis-à-vis de ta thèse, savoir que ton rythme est le bon, savoir pourquoi tu travailles sur tel sujet, savoir ce que tu veux faire après ou être ok avec le fait de ne pas le savoir, il y a toujours quelqu’un qui va venir te dire que ce que tu fais ne sert à rien, ou qui va te demander à quoi ça sert. Et ce quelqu’un c’est souvent toi : si ça résonne autant en toi lorsque ça vient de ton entourage, c’est bien parce que tu es le premier ou la première à te le demander.
Rappelons un seul fait qui sera parlant pour tous les autres : avant que le COVID ne se propage dans le monde entier, il y avait pas mal de chercheurs qui travaillaient sur ce virus et sur le vaccin depuis des années. L’utilité de quelque chose n’est pas forcément perçue par tous au moment où des personnes s’y intéressent.
Et si ces chercheurs avaient trouvé le vaccin avant que le virus ne se propage dans le monde entier et ne fasse autant de ravages, sans doute l’humanité n’aurait jamais perçu à quel point cette recherche était utile.
Pense à ça. L’humanité n’a pas conscience de ce qui est vraiment utile, elle cherche seulement son propre sens. Tout n’est qu’une question de timing, alors ne crois jamais que ce que tu fais ne sert à rien. Sans doute, tu ne sais pas aujourd’hui à quoi ça sert d’étudier l’histoire de l’art ou la linguistique, mais le temps lui, le sait. Dis-toi qu’en faisant ce que tu fais pour tes raisons à toi, c’est largement suffisant : cela donnera sûrement envie à ton entourage d’en faire autant ; peut-être que ta recherche ne sera jamais célèbre ou même que personne ne lira jamais ta thèse, mais peu importe si tu t’épanouis à travers ta recherche, car c’est ce qui donnera envie à de futurs chercheurs de se consacrer à la recherche. Souviens-toi toujours de ta conviction, de ce qui fait que toi, un jour, tu as eu envie de faire de la recherche.
Moi, ce qui m’a donné envie de faire de la recherche, c’est de trouver enfant dans la bibliothèque de quelqu’un que j’admirais, un livre dont je n’ai pas compris le titre et dont j’ai totalement oublié le sujet. Je serais incapable de dire quel était ce livre, mais je me souviens de lui parce qu’il m’a montré un monde dont j’ignorais tout, et cette ignorance m’a montré qui j’étais et vers où j’avais envie d’aller. Quel être humain veut demeurer dans ce qu’il connaît ?
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