Vous le savez, l’un des plus grands défis des doctorants concerne le financement doctoral : comment faire sans, mais comment les trouver ? Comment postuler efficacement ? Comment savoir si on a le niveau, et comment gérer un refus ?
Autant de questions qui restent souvent sans réponse, faute d’accompagnement adéquat durant le parcours doctoral… mais aussi faute d’un passage à l’action qui n’a pas toujours lieu du côté des doctorants – en particulier lorsque le financement doctoral n’est pas obligatoire.
Alors, qu’en est-il exactement de ces financements et de la pression qui les accompagne, comment la gérer pour se dépasser en doctorat et enfin réussir à faire financer son projet ?
Chercher un financement doctoral, une étape qui s’avère souvent intimidante
Chercher un financement doctoral, cela suppose qu’on sache comment s’y prendre : où les trouver ? Qui les propose ? Comment cela fonctionne ? Qu’est-ce que c’est, exactement ?
Sa fonction est plutôt claire dans les domaines des sciences appliquées, où le financement est requis à l’inscription en doctorat. En revanche, elle est beaucoup moins claire lorsqu’on s’engage sur une thèse en sociologie, en droit, en sciences de l’éducation, ou encore dans les domaines des arts et des lettres : ces thèses-là coûtent moins cher, c’est un fait.
Il n’en demeure pas moins que les doctorants des sciences humaines et sociales qui se lancent dans la conduite d’une thèse sous-estiment largement le coût de leur projet lorsqu’ils démarrent.
Quand on se renseigne, on s’aperçoit que la recherche d’un financement doctoral suppose aussi qu’on sache ce qui les différencie : contrat doctoral, convention CIFRE, bourse de recherche, prix, subvention de recherche, allocation de recherche… autant de termes qui font partie du jargon universitaire, mais qui ne sont pas tous d’actualité et qui ne renvoient pas du tout aux mêmes réalités.
L’expérience doctorale et sa portée, ses perspectives, sont très différentes selon que le doctorat est mené sous contrat ou sous convention par exemple. Alors, choisir suppose souvent qu’on sache exactement où l’on va, une fois le doctorat en poche. Et cela est loin d’être une évidence pour tous les doctorants qui s’engagent : qu’ils soient jeunes titulaires de masters ou qu’ils soient professionnels en milieu ou en fin de carrière, les débouchés permis par le doctorat sont méconnus des candidats autant que des milieux socio-professionnels.
C’est précisément là que se cache, dès l’entrée en doctorat, la plus grande faille des doctorants pendant le cursus. L’expérience doctorale étant unique, elle est souvent vécue comme une aventure. Peu de doctorants savent s’ils vont réussir leur doctorat. La majorité d’entre eux se demande si elle est vraiment à la hauteur, et le syndrome de l’imposteur en doctorat touche tous les doctorants à un moment ou à un autre du parcours.
Alors, dites aux doctorants que le financement de leur thèse n’est pas obligatoire, et la grande majorité d’entre eux n’en cherchera pas. On l’observe dans le domaine des sciences humaines et sociales : les doctorants sont très souvent non-financés, et on sait combien les financements sont rares dans ce domaine. Mais ce qu’on sait moins, c’est que les doctorants qui ne cherchent pas de financements sont monnaie courante dans les laboratoires.
La réalité, c’est que dans certaines disciplines des SHS, les doctorants ne sont pas souvent poussés à rechercher des financements doctoraux. Sous prétexte que ces derniers sont rares, la précarité des doctorants est un phénomène quasi-inévitable, voire acceptable.
Pire, lorsque j’ai moi-même commencé à rechercher un financement à l’époque où j’étais doctorante, aucun chercheur ne m’y a encouragée. Les candidatures requièrent toujours des lettres de recommandation. Lorsque j’en demandais à mon directeur, il me répondait sans enthousiasme de ne pas me faire trop d’illusions.
La sélectivité de ces financements le poussait à me dire cela, mais comment ne pas le prendre pour moi ? Comment ne pas penser que mon propre directeur ne croyait ni en mon projet, ni en ma capacité à décrocher un financement ? En avait-il la moindre idée ?
Ce qui est sûr, c’est que je n’ai jamais songé à me mettre en colère pour cela. Si finalement, je n’avais jamais réussi à faire financer ma thèse, je n’aurais jamais compris d’où venait le problème et je n’aurais jamais été en capacité de faire le métier que je fais aujourd’hui.
Comment passer à l’action et postuler à un financement doctoral ?
Mais le fait est que j’y suis parvenue, et je n’ai pas fait les choses à moitié.
Obtenir un financement d’un tel prestige pour une thèse d’histoire de l’art menée dans une fac de province a totalement transformé ma réalité, et ma perception de ce que je faisais comme du champ des possibles en doctorat.
Avant d’obtenir ce financement doctoral, j’avais toujours pensé que la possibilité de mener un doctorat sans financement était une chance, une opportunité. Obliger les doctorants des sciences humaines à être financés pour pouvoir s’inscrire, je pensais que ce serait contraire à l’idée d’égalité des chances parce qu’à mon sens, il aurait fallu avoir des relations pour réussir un tel exploit.
Or, l’égalité des chances n’est pas la même chose selon qu’on la pense dans le système scolaire ou qu’on la pense en dehors de ce système. Comprendre que le doctorat n’est pas qu’une poursuite d’études est l’une des clés, à mon avis, pour se lancer dans la recherche d’un financement doctoral lorsqu’il n’est pas obligatoire. Pourquoi ?
Quand on s’inscrit en doctorat à l’issue d’un master de géographie, d’histoire de l’art ou de philosophie, on perçoit généralement le doctorat comme une poursuite d’études classique. Je pense que c’est un piège, et qu’il faut comprendre dès avant l’inscription que le doctorat est une expérience professionnelle.
Cela n’est pas mon opinion, c’est un fait et l’Arrêté de 2016 fixant le cadre national de la formation doctorale est clair dès la première ligne de l’article 1 : « La formation doctorale est une formation à et par la recherche et une expérience professionnelle de recherche. Elle conduit à la production de connaissances nouvelles. »
Les doctorants sont en quelque sorte des apprentis, rattachés à une école et à un laboratoire de recherche. Ils se forment par la recherche, en la pratiquant. Leur objectif est de produire des connaissances nouvelles, et non d’accumuler des connaissances. La formation doctorale est bien une formation professionnelle, au même titre qu’une alternance ou un stage de trois ans. À ce titre, les travaux effectués par le doctorant doivent être rémunérés et il revient aux doctorants de comprendre cela le plus tôt possible.
Pour ce faire, ils doivent identifier les acteurs à qui la recherche sert : les laboratoires et universités, les entreprises, les acteurs du secteur public, les organismes et associations ou les fondations sont autant de partenaires à envisager pour faire financer la recherche. Si vous identifiez qui aurait besoin de vos travaux, vous avez un partenaire potentiel.
Quant au syndrome de l’imposteur, il doit être surmonté. Le financement de votre thèse, lorsqu’il n’est pas obligatoire, est souvent pensé comme étant une pression supplémentaire : vais-je réussir à répondre aux besoins de tel ou tel partenaire ? Suis-je légitime pour mener cette recherche et être rémunérée ? Quelle différence entre mes travaux de thèse et ceux du master ? Qu’ai-je à valoriser en doctorat, moi qui ai le sentiment de ne rien connaître à mon domaine de recherche ?
La recherche est, par nature, une aventure dans l’inconnu. Aucun chercheur ne sait d’avance ce qu’il va trouver. Il a des hypothèses, souvent, mais aucune certitude. Quand on est jeune chercheur, on a le sentiment que cet inconnu est dû à un manque d’expérience alors qu’il est dû à la nature de l’activité qu’on fait. Sachez une chose : en tant que doctorant, vous serez forcé de publier et de communiquer lors de rencontres entre chercheurs. C’est une condition pour valider le doctorat.
Or, si vos travaux intéressent des directeurs de revues scientifiques, alors vous contribuez à la recherche au même titre que des chercheurs plus expérimentés. Et si vous contribuez à la recherche, vous travaillez et il n’y a aucune raison pour que ce travail soit gratuit ou offert gracieusement.
Ne confondez pas le fait de mener une étude scientifique et le fait d’étudier. En doctorat, vous produisez un travail scientifique de haut niveau. Prendre confiance en soi et vaincre lentement le syndrome de l’imposteur en doctorat passe par la reconnaissance du travail effectué que représente le fait d’être rémunéré. Si les financements sont obligatoires en sciences appliquées, il n’y a aucune raison pour que les doctorants des sciences humaines et sociales ne soient pas rémunérés.
Alors, dès avant votre inscription en doctorat, identifiez les instances qui pourraient financer vos travaux. C’est le démarrage le plus sain que vous puissiez faire en doctorat.
Pour toutes celles et ceux qui souhaitent réussir leur entrée en doctorat et démarrer sur les meilleures bases, le programme « Lauréats » ouvre ses portes le 11 avril prochain.
Ce programme permet à tous les futurs doctorants d’être accompagnés dans la recherche de directeur, de laboratoire et de financements. Ils bénéficient des meilleurs conseils et peuvent enfin se lancer en doctorat avec un projet maîtrisé.