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COMMENT FAIRE UNE RECHERCHE DOCUMENTAIRE ? Les bases de la recherche bibliographique (mémoire, thèse, état de l’art) en 15 minutes

👉 COMMENT FAIRE UNE RECHERCHE DOCUMENTAIRE ? Les bases de la recherche bibliographique (mémoire, thèse, état de l’art)

Ces derniers mois, j’ai été frappée par le manque de formation à la recherche documentaire des doctorants et des étudiants en master de recherche.

Ce n’est pourtant pas nouveau : on le sait, les masters de recherche forment très mal les étudiants à la méthodologie de la recherche.

Pourtant, j’ai été confrontée l’année dernière à des situations vraiment dramatiques, avec des mémoires de recherche ayant obtenu des notes supérieures à 17/20 sans que les étudiants n’aient jamais fait la moindre recherche documentaire dans des bases de données spécialisées.

Les bibliographies comptaient essentiellement des liens internet vers Wikipédia, Youtube et vers des articles de journaux en ligne, ce qui est tout simplement « choquant » pour tout chercheur expérimenté.

Autant vous dire que j’endosse souvent le mauvais rôle, expliquant à un grand nombre de jeunes chercheurs que j’accompagne que les bases de la recherche ne sont pas acquises, malgré la note obtenue au mémoire.

L’année dernière, j’ai passé beaucoup trop de temps à expliquer la différence entre la méthodologie de la recherche académique et celle de la recherche Google, et à former des candidats au doctorat – et même des doctorants – aux bases de la recherche documentaire.

J’ai donc décidé de concevoir pour vous un article et une vidéo consacrés à ces bases de la recherche documentaire, dans l’espoir que cela vous aide à mieux comprendre les enjeux de la recherche académique et ses outils.

L’objectif est aussi de vous permettre de mettre en application les conseils que je vous donne au quotidien sur le montage et la conception de votre projet doctoral : vous ne pourrez pas créer des projets convaincants et construire des projets d’excellence si vous ne maîtrisez pas d’abord ces bases.

1. Qu’est-ce que la recherche documentaire ?

La recherche documentaire, c’est la recherche du matériel qui existe déjà sur le sujet qui vous intéresse : les ouvrages spécialisés, les articles scientifiques, les thèses de doctorat, et tous les travaux scientifiques qui ont déjà été menés sur votre sujet par d’autres chercheurs.

Vous devez obligatoirement faire une recherche documentaire pour réaliser votre mémoire de recherche, pour faire l’état de l’art de votre projet doctoral, et pour mener à bien votre thèse de doctorat.

La recherche documentaire est nécessaire dans toutes les disciplines de recherche : que vous soyez en littérature ou en chimie analytique, vous allez forcément devoir faire une recherche documentaire pour rendre un mémoire de master ou une thèse de doctorat réussis.

Pourquoi ?

Parce que vous avez besoin de savoir où en est la recherche sur votre thématique avant de vous lancer, et parce que vous devez justifier tout ce que vous avancez.

Si vous préparez un mémoire de recherche, votre but est de faire une synthèse des travaux qui existent déjà sur un sujet et d’en dégager un propos. Si vous préparez une thèse de doctorat, vous êtes censé avoir déjà fait cette synthèse des travaux existants, et vous en servir comme base de travail pour vos propres travaux – pour dépasser les travaux existants et aller encore plus loin que leurs auteurs.

Sans la recherche documentaire en master, vous ne devriez donc même pas pouvoir rendre un mémoire de recherche, et sans recherche documentaire en doctorat, vous allez devoir réinventer la roue en permanence – répéter des expériences qui ont déjà été faites ou inventer des théories qui existent déjà : ce n’est vraiment pas dans votre intérêt.

C’est parfois difficile à comprendre pour les très jeunes chercheurs, mais pour rendre un propos scientifique convaincant, il doit être irréfutable. Pour ce faire, il faut toujours citer les sources qui vous permettent d’avancer tel ou tel argument, même le plus anodin en apparence.

Un exemple de phrase que j’ai pu lire dans un projet doctoral en droit l’année dernière : « Le détenu se voit enfermé dans un espace carcéral, cela a un impact sur lui dans la prison et quand il va sortir de prison cet impact va le suivre à l’extérieur. »

En l’état, cette phrase n’est pas acceptable dans un document de recherche. Le propos paraissait évident à la jeune chercheuse qui l’a écrite – elles avait quelques connaissances sur le sujet. Mais il fallait impérativement justifier ce propos en insérant au moins deux références en note de bas de page : quels travaux ont démontré que l’espace carcéral a un impact sur les détenus, et quels travaux ont démontré que les effets se poursuivent en dehors de l’espace carcéral ?

Si aucune source n’est citée, la lecture s’arrête-là pour un chercheur sérieux qui lit cette phrase sans références. Il n’ira pas plus loin dans la lecture de votre document et ne travaillera probablement jamais avec vous.

Tout chercheur bien formé sait qu’il doit référencer son propos, et connaître parfaitement les travaux majeurs de sa thématique. Ici, le propos est invérifiable, la base de la recherche n’est donc pas acquise.

Alors, où trouver les informations et les documents nécessaires à une bonne démonstration scientifique ?

Le matériel est parfois en open source (c’est-à-dire librement accessible par tout le monde), et il est parfois mis à la disposition des chercheurs uniquement (il vous faut donc une inscription à l’université pour y avoir accès).

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2. Mener une recherche documentaire lorsqu’on n’a pas accès aux bases de données spécialisées (professionnels, reprises d’études)

Si vous n’êtes pas actuellement inscrit à l’université, vous n’avez probablement pas accès à des bases de données très spécialisées dans votre discipline de recherche.

Pour autant, vous ne pouvez pas vous contenter d’utiliser Google et des sources internet « de base » qui ne sont pas vérifiables. Une source dite « sérieuse » est une source identifiable. Si vous ne pouvez pas déterminer quelle est la source exacte d’une information, c’est que vous ne pouvez pas vous en servir dans votre document.

Wikipédia est l’exemple par excellence de cet état de fait dans l’univers académique. En tant qu’encyclopédie libre, tout un chacun peut la documenter, ce qui rend la crédibilité des informations qu’on y trouve discutable : vous ne pouvez pas vous en servir. Tous les chercheurs consultent Wikipédia dans la vie courante, mais aucun chercheur sérieux ne cite Wikipédia dans une publication scientifique ou dans un document de recherche comme un mémoire ou un projet doctoral.

Vous devez toujours citer des travaux qui sont référencés.

 Pour les trouver, je vous recommande d’utiliser trois bases de données open source pour préparer l’état de l’art de votre projet doctoral :

Ces trois bases de données sont accessibles gratuitement à tout le monde. Vous y trouverez des documents spécialisés, rédigés par des chercheurs. Ces bases ont leurs limites, bien entendu, mais elles vous permettront tout de même de faire une recherche préliminaire approfondie et satisfaisante en attendant d’avoir des accès plus avancés par l’université.

Worldcat est un autre outil gratuit très utile pour vous permettre de repérer des ouvrages et de les localiser dans le monde entier.

Selon les disciplines, vous pouvez compléter par d’autres bases de données open source comme Gallica.

Pour vos définitions, oubliez Wikipédia et citez les définitions du portail du centre national de ressources textuelles et lexicales (cnrtl) : en allant sur l’onglet « Portail Lexical » puis « Lexicographie » (second menu), vous aurez accès à des définitions référencées pour chaque mot et chaque notion.

Vous trouverez dans la vidéo en haut de cet article un exemple de recherche que j’ai effectuée pour vous montrer comment faire des recherches sur ces bases, ou repérer et télécharger les documents qui sont accessibles sur ces bases.

faire une recherche documentaire

3. Mener une recherche documentaire lorsqu’on a accès aux bases de données spécialisées (étudiants de master et doctorants)

Si vous êtes inscrit en master de recherche ou en doctorat, vous avez accès à des bases de données spécialisées. Oui, même si l’université et l’ensemble des enseignants ont oublié de vous le dire, de vous montrer comment y accéder et de vous apprendre à vous en servir.

Ces bases vont changer votre vie en recherche. Elles contiennent toutes les références indispensables à la poursuite de vos travaux de recherche, et vont soit vous permettre de les identifier pour aller les consulter, soit vous permettre de les télécharger directement.

En master, il est possible que vous n’ayez pas encore une connaissance approfondie de ces bases de données, mais en doctorat vous devez absolument les connaître et vous en servir quotidiennement pour rechercher ou pour vérifier des informations.

Ces bases sont accessibles mais payantes et généralement onéreuses pour les personnes extérieures à l’université ou qui ne travaillent pas dans les disciplines de recherche concernées – par exemple, si vous êtes inscrits en master de musicologie, vous n’avez pas accès aux bases de données en médecine.

Les universités ont des abonnements dont elles font bénéficier les étudiants et les doctorants qui sont inscrits – cela fait partie de vos frais d’inscription. Ne payez donc jamais pour accéder à des bases de données comme Cairn ou Dalloz si vous avez une inscription active en sciences humaines à l’université.

Vous les trouverez tout simplement dans votre environnement numérique de travail (ENT), dans un onglet qui s’appelle généralement « ressources en ligne ou « ressources numériques ».

Quelques exemples de bases de données spécialisées incontournables :

Le SUDOC est une base de données interuniversitaire. Vous y trouverez des ouvrages et des thèses disponibles dans d’autres universités françaises, et pourrez faire des demandes en quelques clics pour que les livres ou les thèses conservés dans d’autres universités soient prêtés à votre université. Ils arrivent dans votre BU en quelques jours et vous évitent de nombreux déplacements.

Bases générales : SCOPUS, Web of Science

En sciences humaines : Cairn, IBSS, Sign@l, Erudit

En droit : Dalloz et Lexis 360

En littérature : Persée, MLA International Bibliography, JSTOR

En histoire de l’art : Agorha, BHA et IBA, Artstor, Joconde, base de l’INHA

En biologie et sciences de la vie : EBSCO

Business et finance : ProQuest

Mathématiques : MathSciNet

Je ne vous fais pas de liste exhaustive les amis, mais si vous passez par ici et utilisez des bases de données spécialisées au quotidien, complétez-là dans les commentaires pour informer tous les autres jeunes chercheurs qui passeront après vous. Merci !

Une précision : vous avez aussi des accès à des archives et à des journaux comme Le Monde, Mediapart ou le Times lorsque vous êtes inscrits à l’université. Vous avez accès aux numéros qui sortent au quotidien, mais vous pouvez aussi retrouver toutes les archives de ces journaux via vos ENT, en saisissant simplement le titre de l’article ou en le retrouvant par sa date de parution. Finis les articles internet payants (« Article réservé aux abonnés »), vous avez tous les abonnements.

Si vous ressentez le besoin d’être accompagnés dans vos démarches : c’est mon métier. J’accompagne le montage de nombreux projets de thèse au quotidien, et j’ai créé une formation spécialement dédiée à l’inscription en doctorat : c’est le programme Lauréats. N’hésitez donc pas à vous rapprocher de moi si vous souhaitez en savoir plus, via les réseaux ou en prenant directement rendez-vous.

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7 réponses

  1. Les moteurs de recherche documentaires dont se sont dotées les universités permettent maintenant une recherche fédérée sur de nombreuses bases. C’est en parfois via le moteur de recherche que l’on accède aux bases quelles soient ou non interfacées avec le moteur de recherche.
    De nombreuses universités se sont désabonnees de scopus en raison des coût prohibitifs et du taux de recouvrement des documents avec les WOS.
    Doctorants n’hésitez pas à faire remonter votre besoin de formation sur les outils documentaires à l’école doctorale. Elle considère souvent cela comme acquis mais en réalité cela ne l’est pas. Mon expérience et celle d’Erika concordent largement…
    Les étudiants ont bien souvent accès à toutes les bases auxquelles l’université est abonnée. Il est rare d’avoir une séparation par discipline car la plupart des contrats ne permettent très rarement de comptabiliser les étudiants par filière.
    En dehors de votre école doctorale les personnels de bibliothèque peuvent vous aider et des formations sont dispensées.

    1. Bonjour,

      Je ne suis pas abonnée à Academia, j’en ai donc un usage extrêmement limité. Je suis néanmoins souvent tentée de m’abonner, tant le service proposé est précieux. Si j’avais fait le choix de poursuivre une carrière académique, je m’y serais abonnée pour pouvoir avoir une meilleure vision de la portée de mes travaux et je pense que tous les chercheurs devraient en avoir un accès par l’université.

      Pour ResearchGate, j’avoue ne jamais m’y être intéressée, sans doute parce qu’aucun chercheur de mon entourage n’y est inscrit. Je me demande si ce réseau est vraiment investi par les chercheurs SHS.

      Bonne journée,
      Erika Dupont

      1. Bonjour Erika,
        Selon une analyse réalisée par Aline Bouchard de l’URFIST de Paris en 2016, Academia serait plus utilisé en SHS que ResearchGate (https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/1244/files/2017/06/Note_ReseauxSociauxAcademiques-1.pdf).
        Mais il faut préciser que Academia, ResearchGate et Google Scholar ne sont pas des bases de données bibliographiques comme Web of Science, Scopus, Persée ou Medline en biomédecine. Academia et ResearchGate sont des réseaux sociaux académiques qui permettent d’avoir accès à des articles (sans toujours respecter le droit d’auteur … revendiqué par les éditeurs) et Google Scholar est un service de Google permettant la recherche d’articles et de publications scientifiques qui inventorie des articles provenant d’autres sources.
        Donc pour une recherche documentaire dans les règles (notamment pour un doctorat), il faut utiliser des bases de données bibliographiques qui sont accessibles pour les doctorants dans les ressources numériques des bibliothèques universitaires.
        Et bravo pour l’initiative conseils aux jeunes chercheurs.
        Bonne journée
        Christophe Sabatier

        1. Bonjour,

          Je n’ai jamais mentionné Academia et Research Gate comme étant des bases de données, je n’ai d’ailleurs pas du tout mentionné ces réseaux dans cet article. J’ai également précisé le fait que Google Scholar était une base dont on peut se servir pour démarrer, tant qu’on n’est pas inscrit. Ce n’est pas une base à privilégier dès lors qu’on est inscrit en master de recherche et en doctorat. Toute la seconde partie est donc dédiée aux recherches à faire dans les bases des ENT.

          Bonne lecture,
          Erika

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