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HAUSSE DU SALAIRE DES DOCTORANTS EN 2023 ?

Le salaire des doctorants va-t-il réellement augmenter comme le gouvernement l’a annoncé ?

C’est un sujet brûlant cette semaine.

Après le cri d’alarme de Maëlle, qui a vu sa bourse fondre comme les glaciers de l’Arctique, la pauvreté étudiante est mise à l’honneur.

L’occasion de relayer l’excellente nouvelle annoncée par notre ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche à la rentrée :

« L’ensemble des doctorants » verra son salaire augmenter d’environ 200 € par mois à partir de janvier 2023[1].

Ah oui ?

C’est marrant parce que, dans le même temps, je sais que des milliers de doctorants se sont reconnus dans le témoignage de Maëlle :

Ils vivent la même chose.

Alors, ces milliers de « thésards » qui vivent sous le seuil de pauvreté en France, verront-ils vraiment leur salaire augmenter de 200 € par mois ?

Bien sûr que non.

Pourquoi ?

Il est grand temps qu’on en parle.

1. Le salaire des doctorants en France 

En France, les doctorants ne sont pas tous logés à la même enseigne : certains font leur thèse sous contrat de recherche, d’autres la mènent en entreprise, d’autres grâce à des bourses de recherche, et certains font leur thèse sans aucun financement.

Tous travaillent, tous préparent une thèse de doctorat et tous obtiennent un diplôme identique.

Alors, pourquoi « l’ensemble des doctorants » ne va pas voir son niveau de vie augmenter en janvier 2023 ?

Tout simplement parce que, contrairement à ce qu’annonce le gouvernement, ce n’est pas « l’ensemble des doctorants » qui verra son salaire augmenter en 2023.

C’est « l’ensemble des doctorants » contractuels. Ce dont parle la ministre Sylvie Retailleau, quand elle évoque la hausse du salaire « des doctorants » en 2023, c’est seulement de la part des doctorants qui bénéficient d’un contrat doctoral (soit 34,6 % des doctorants en 2022[2]).

En soi, l’augmentation du salaire des doctorants sous contrat doctoral est une bonne nouvelle.

Ce qui me dérange profondément, c’est l’amalgame qui est fait dans le relai de cette information – et par le gouvernement lui-même dans la formulation de l’annonce[3].

On laisse entendre que « les doctorants » perçoivent un salaire pendant le doctorat, alors que plus d’un quart d’entre eux n’a aucune source de financement ou finance ses travaux de recherche en exerçant une activité salariée en dehors de l’université (respectivement 9,3 % et 16,5% en 2022[4]).

C’est énorme : presque 20 000 doctorants mènent des projets de recherche de haut niveau et alimentent la recherche française sur leurs propres deniers, sans le moindre soutien financier.

Cette réalité-là, personne n’en parle, tout simplement parce que le doctorat est méconnu en France et parce qu’il y a tellement de disparités entre les différents statuts qu’on peut le dire tout net : personne ne comprend rien à l’organisation de la recherche doctorale française.

C’est à se demander si même nos ministres en comprennent les enjeux, et si les jeunes chercheurs non-concernés par cette réforme sont réellement considérés comme tels par leur gouvernement.

Mais qu’attendre d’autre de la part d’une ministre qui a elle-même bénéficié d’un contrat doctoral pour mener sa recherche en physique, après une trajectoire d’élite en études supérieures[5] ?

C’est là où je veux en venir.

salaire des doctorants
Le salaire des doctorants est-il le même pour tous ?

2. Doctorants précaires, prenez votre place !

Si vous n’êtes pas concernés par la réforme du salaire des doctorants en 2023, c’est que vous bénéficiez d’un autre type de financement ou que vous n’avez pas de financement.

Il y a donc des alternatives au contrat doctoral pour devenir doctorant, et si le sujet vous intéresse, je vous renvoie notamment vers cet article.

Mais je veux m’adresser aujourd’hui aux doctorants qui sont sans financement de recherche actuellement et que le gouvernement continue d’ignorer, réforme après réforme :

Prenez votre place.

Ce n’est pas parce que le gouvernement vous comptabilise, qu’il vous considère et qu’il vous reconnaît. Vous en avez régulièrement la preuve, le sentiment.

La grande majorité des docteurs qui n’ont pas bénéficié d’un financement pour mener leurs travaux de recherche ne seront jamais considérés et reconnus dans leur domaine.

Or, combien parmi vous savent comment se démarquer pour obtenir un contrat de recherche ? Combien ont connaissance des différentes possibilités de financements ? Qui savait précisément ce qui distingue ces derniers, et comment les trouver ?

La plupart des doctorants qui mènent de front une thèse non-financée ne sont pas informés. Ils répondent : « parce que ce sujet m’intéresse » lorsqu’on leur demande pourquoi ils font une thèse. Ils « travaillent par passion ».

Cela signifie qu’ils se seraient battus pour un contrat de recherche si ce dernier leur avait été imposé : pour suivre leur passion, ils auraient forcément cherché.

Et ?

Ils se seraient alors heurtés à une forte sélectivité, qui est à l’œuvre à l’université mais qui ne dit pas son nom.

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3. Qu’est-ce qui rendrait vraiment les doctorants plus riches ?

Ce qui rendrait les doctorants vraiment plus « riches », ce serait d’accéder à un certain savoir ; à certaines connaissances et à certaines compétences.

Ce qui nous distingue de l’élite française, ce n’est pas notre diplôme. Ce n’est pas un niveau d’études. C’est un comportement.

Et pour nous, il ne s’agira pas de reproduire mais bien d’innover.

Ce qui vous rendra plus riches, vous, les étudiants précaires qui souhaitez vous lancer en doctorat, c’est d’abord de comprendre le fonctionnement de la recherche en France.

C’est de comprendre réellement les enjeux d’une inscription en doctorat, et de vous éviter de tomber dans le piège tendu par les élites : le doctorat non financé n’ouvre aucune porte après un master.

Vous ne serez jamais mentionné, ni par le gouvernement, ni par l’université.

Prenez votre place !

Vous l’aurez si vous intégrez le fonctionnement réel du monde académique, et par cela j’entends :

  • Avoir une stratégie – ne rédigez pas un projet doctoral ; créez un excellent projet doctoral.
  • Apprendre à développer un réseau – ne faites jamais une thèse « seul » ou en binôme avec un directeur de recherche.
  • Intégrer votre succès – ne faites jamais une thèse sans avoir une idée personnelle de votre réussite professionnelle.

Pour aller vers votre vision, vous avez besoin de visibilité.

Si vous faites partie des étudiants auquel le gouvernement ne pense que lorsqu’un buzz l’y oblige, prenez le pouvoir : utilisez le savoir que l’université ne vous délivre pas.

Si vous faites partie des doctorants que le gouvernement ne mentionne pas, changez de cap : l’enjeu pour vous n’est pas de donner toujours plus à l’université, mais de faire toujours plus pour votre carrière en recherche.

Démarquez-vous et pour cela : innovez !


[1] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/projet-de-loi-de-finances-2023, consulté le 3 novembre 2022.

[2] https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T744/le_doctorat_et_les_docteurs/, consulté le 3 novembre 2022.

[3] « Une revalorisation à hauteur de 1 975 euros est prévue pour l’ensemble des doctorants dès le début 2023. »

[4] https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T744/le_doctorat_et_les_docteurs/, consulté le 3 novembre 2022.

[5] Sylvie Retailleau est passée par une CPGE avant d’intégrer l’ENS, d’obtenir l’agrégation de sciences-physiques puis de soutenir une thèse en sciences préparée sous contrat doctoral.

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