AGENCE CONSEIL AUX JEUNES CHERCHEURS

Pourquoi faire des études d’histoire de l’art en 2021 ?

5 choses que j’aurais aimé savoir avant de me lancer

Pourquoi faire des études d’histoire de l’art ? C’est quoi ? A quoi ça sert ? Et la célèbre :

« C’est pour faire quoi plus tard ? »

Ces questions, je les ai gérées comme j’ai pu tout au long de mes études et par la suite, quand j’ai commencé à enseigner à l’université, à faire des conférences ou à publier dans des revues scientifiques, on a continué de me les poser, comme si ce n’était pas vraiment un métier en soi. 

Alors, si tu t’apprêtes à te lancer dans cette voie, ou si c’est le cas de votre enfant, ou même si vous avez commencé un cursus dans ce type d’études et que vous doutez de votre avenir, en somme, si vous avez peur notamment en raison des débouchés et de ce qui peut advenir… c’est tout à fait normal. 

Dans cette vidéo, j’aimerais aborder le sujet point par point, partager mon expérience d’ex-étudiante en histoire de l’art, et je vous donnerai aussi mon point de vue d’enseignante, puisque j’ai enseigné l’histoire de l’art à l’université durant cinq ans :

Pourquoi faire des études d’histoire de l’art en 2021 ? C’est le thème de ma nouvelle vidéo.

Pour ceux qui préfèrent lire :

D’abord, sachez que l’histoire de l’art est une discipline qui fait partie des sciences humaines et sociales, qui requiert donc à la fois des qualités littéraires et des connaissances scientifiques. L’histoire de l’art a pour objet l’étude des oeuvres d’art dans l’histoire. Donc étudier l’histoire de l’art revient à analyser ces oeuvres en tant que documents et il ne va pas s’agir de décrire des  des formes ou des couleurs par exemple, mais de le les étudier au regard de l’histoire dans son ensemble. Cela veut dire qu’étudier l’histoire de l’art requiert de solides connaissances en histoire théorique, en histoire sociale, en histoire économique, idéologique et anthropologique.

Par conséquent, l’étudiant en histoire de l’art a un goût pour l’art et pour l’histoire. Il peut pratiquer lui-même la peinture ou la sculpture, mais ce n’est pas du tout une obligation et aucun cours ne sera consacré à la pratique artistique – pour ça, il faut faire des études d’art plastique.

A quoi ça sert, eh bien tout simplement à compléter notre savoir sur l’évolution humaine et les rapports que l’humain entretient avec la création. Pourquoi étudier ça en 2021 ? Voici 5 raisons implacables. 

1. C’est passionnant

Premièrement, c’est passionnant et oui, c’est une raison. Ça peut paraître bateau mais on a malheureusement tendance à trop souvent l’oublier : un étudiant passionné est un étudiant qui a de fortes chances de réussir dans son domaine, et ceci est vrai pour n’importe quel domaine.

Si vous êtes un parent et que vous avez peur du projet de votre enfant de se lancer dans ce type d’études, demandez-vous tout simplement ce qui va se passer si votre enfant fait des études qui ne l’intéressent pas plus que ça, voire qu’il désapprouve. 

Est-ce qu’il va vraiment les faire, et si oui combien de temps ? On est aujourd’hui dans une société où on reste rarement dans le même métier durant toute sa carrière, mais dans laquelle reprendre des études sur le tard reste un challenge énorme. 

Se tromper d’orientation, c’est un problème que de plus en plus de français déplorent, et le décrochage à l’université concerne aujourd’hui sept fois plus d’étudiants qu’il y a dix ans. Beaucoup se trompent d’orientation et s’en rendent-compte assez vite, mais tous n’auront pas la chance de pouvoir recommencer un cursus après avoir été mal orientés.

Si votre enfant sait ce qu’il veut faire, c’est déjà énorme. Beaucoup de jeunes ne savent pas vers quoi s’orienter après le bac, et si le domaine des arts vous intéresse sans que vous ne sachiez encore vers quoi vous diriger, faire une année d’histoire de l’art peut vous aider à mûrir votre projet. C’est ce qui m’est arrivé : après avoir fait un bac S – parce qu’on m’avait certifié que je ferais ce que je voudrais avec ça – j’ai essayé d’intégrer un cursus d’architecture d’intérieur. J’ai été refusée à cause de mes options scientifiques au lycée, et l’école m’a conseillé de faire une année d’histoire de l’art afin d’avoir de meilleures chances l’année suivante. Finalement, je suis restée en histoire de l’art.

A tous les étudiants qui s’apprêtent à se lancer dans ce domaine : bravo. C’est clairement un choix courageux, et le fait que vous vous lanciez signifie que vous êtes prêt à assumer ce que ça implique, même si c’est encore timidement. Les études d’histoire de l’art sont passionnantes si l’art vous intéresse, et elles vont vous permettre en licence d’acquérir et d’approfondir toutes les notions de bases en histoire de l’art. Vous allez étudier l’art antique, l’art médiéval, l’art moderne et l’art contemporain. Vous aurez aussi des cours de langue, des stages si vous le souhaitez, et plein d’options au choix parmi un large panel de cours dans des domaines connexes, comme la philosophie des arts, la littérature artistique, les civilisations mais aussi les lettres ou l’histoire des religions.

2. C’est ambitieux

Et oui. En fait, ce qu’on reproche souvent à ce type d’études c’est qu’elles ne mèneraient nulle part. Ça, c’est le reproche principal. Pourquoi ? Parce que souvent on imagine ce type d’études comme n’ayant que peu de portée, des études dans lesquelles on va apprendre des choses qui ne sont pas « vraiment utiles », par exemple dans le monde de l’entreprise. Et c’est malheureusement vrai : ne vous attendez pas, à la sortie d’une licence en histoire de l’art, à obtenir un poste à responsabilité en entreprise. Mais est-ce que c’est vraiment le but ?

Bien sûr que non. Mais premièrement, ça ne veut pas dire que vous ne trouverez jamais votre place en entreprise (personnellement j’ai eu de nombreuses expériences en entreprises, certaines de plusieurs années et j’aurais pu évoluer dans chacune d’elles). Mais surtout, demandez-vous si vous avez envie de travailler en entreprise, et rappelez-vous qu’il n’y a pas que l’entreprise. 

Par exemple, la fonction publique est une voie qui reste très intéressante pour faire carrière, et les débouchés après une licence ou un master en histoire de l’art sont nombreux dans la fonction publique : conservateur du patrimoine, assistant de conservation, attaché de conservation du patrimoine, sans compter les nombreux concours qu’il est possible de passer avec un niveau licence ou master, et qui n’ont pas forcément de rapport direct avec l’histoire de l’art. Par exemple, rien n’empêche de passer les concours de l’enseignement avec un master en histoire de l’art, mais il y en a d’autres. La plupart des grands noms de l’histoire de l’art français ont passé des concours de l’enseignement, le capes et/ou l’agrégation, et ont enseigné quelques années dans le secondaire avant de poursuivre leurs objectifs de carrière.

Maintenant, on ne va pas se mentir : les places sont chères dans le domaine de la culture et du patrimoine. Il va falloir travailler et il faudra être très patient. Que vous soyez sur le point de vous lancer ou que vous accompagniez une personne qui veut se lancer, sachez que le parcours sera long et qu’il n’y a aucune garantie de réussite. C’est pour cette raison que se lancer dans ce domaine est courageux et extrêmement ambitieux. C’est vraiment la difficulté principale, et c’est pour ça que la question constamment posée « c’est pour faire quoi après » est difficile à vivre pour ceux qui se lancent. C’est loin d’être une évidence, et même lorsqu’on sait quel métier on voudrait faire dans l’idéal, on sait très bien qu’il faut toujours avoir plusieurs plans B. La réponse à la question « c’est pour faire quoi après » n’existe pas pour ceux qui se lancent dans ces études-là, et c’est ce qui nous amène au troisième point.

3. C’est un parcours qui sera évolutif

En fait, et c’est ce qui fait le plus peur quand on se lance dans ce type d’études, c’est qu’il n’y a pas un point de départ et un point d’arrivée. C’est un point de départ qui peut conduire à de nombreux points d’intersection, et pour assurer ses arrières il faut éventuellement faire des stages dès que possible, travailler le plus tôt possible et pourquoi pas passer rapidement des concours. 

C’est pour cette raison que les horaires de cours sont relativement light dès la licence : vous aurez entre 15 et 20 heures de cours par semaine en licence, ce qui vous permettra de travailler à côté, ou en tout cas d’avoir du temps pour développer au maximum des projets comme la préparation d’un concours de la fonction publique ou d’un concours d’entrée en master dans des écoles prestigieuses. 

En master d’histoire de l’art, une large place sera donnée aux stages si vous choisissez un cursus professionnel, et si vous faites comme moi et que vous choisissez la voie de la recherche, vous aurez très peu d’heures de cours, c’est de l’ordre d’une journée par semaine. 

Evidemment, il faut mettre à profit ce temps et éviter d’attendre que les choses se fassent toutes seules. En aucun cas vous n’aurez la moindre chance d’obtenir un job en ayant simplement un master sur votre CV à la sortie de l’université, il faut absolument que vous complétiez vos études en travaillant en parallèle. Ainsi, vous aurez acquis de nombreuses compétences professionnelles, un réseau, et un diplôme. C’est là que les opportunités vont commencer à arriver, que les professionnels de la région vont vous connaître et qu’ils vous proposeront de participer à des projets. Vous ne pouvez pas savoir à l’avance qui vous allez rencontrer et comment les choses vont se faire, mais elles se feront.

Ce type d’études est évolutif. Il est très riche pour tous ceux qui n’ont pas envie de suivre une voie tracée ou qui ne savent pas exactement ce qu’ils veulent faire, mais qui pour autant sont ambitieux, et qui ont envie de s’enrichir par le travail au grés des opportunités, sans forcément savoir exactement ce qui les attend. Vous aurez le temps et vous aurez le choix, le but étant seulement de ne rien lâcher

C’est ce qui est difficile à vivre pour beaucoup, mais c’est ce que de nombreux jeunes recherchent aussi, et vous seriez surpris de savoir où ces études peut vous conduire : pour ma part, j’ai commencé à publier dans des revues scientifiques en master, puis à faire des conférences en France, dans mon université puis j’ai été invitée à la Sorbonne, j’ai postulé pour participer à des colloques partout où les thématiques m’intéressaient et j’ai eu plein de refus, mais j’ai aussi été reçue régulièrement, notamment pour faire une conférence aux Etats-Unis, ou à Sofia en Bulgarie, j’ai travaillé sur un projet européen et tout ça a fait qu’un jour, j’ai obtenu un financement de l’université de Yale et j’ai pu travailler à Londres pendant plusieurs mois.

Pourtant, je n’ai jamais su quoi répondre à la question « c’est pour faire quoi après » parce qu’en fait, ce n’est pas comme ça que les choses se passent dans ce type de cursus. Et avec le recul j’ai même envie de dire que ce n’est pas comme ça que les choses se passent, tout court. On ne sait jamais ce qu’on va devenir, quelles opportunités on aura, on peut juste savoir ce qu’on veut, quel genre de chose on veut pour soi, et c’est ça qu’il faut écouter pour arriver au bons endroits.

Pour résumer, vous ne pouvez pas savoir ce que vous aurez, mais si vous êtes ambitieux et combatif, vous réussirez dans vos études et elles vous mèneront bien quelque part. Si au contraire vous avez besoin de savoir exactement où vous allez, je ne vous recommande pas ce type d’études. Ce sera long et vous allez vraiment souffrir de la situation. Pour tous les autres, cela nous mène à une autre bonne raison de faire ces études !

4. Ce sont des voies qui restent ouvertes

L’intérêt, c’est que la licence d’histoire de l’art vous donne des connaissances solides pour bifurquer ensuite si vous le souhaitez. Par exemple, en première année de master j’ai eu envie de valider une licence d’histoire, car j’envisageais de passer le concours de l’enseignement. J’ai pu m’inscrire directement en troisième année de licence d’histoire, donc je n’ai pas perdu de temps.

Pareil, depuis maintenant presque dix ans, les universités redoublent d’efforts non seulement pour valoriser ces filières, mais pour en faire des filières d’excellence. Les universités s’adaptent de plus en plus pour attirer des étudiants ambitieux. Par exemple, il y a encore peu de temps si vous vouliez devenir commissaire-priseur et travailler dans le domaine du marché de l’art, il fallait avoir deux licences : l’une en droit, l’autre en histoire de l’art. Maintenant, beaucoup d’universités proposent la licence deux en une, qui est très bien côté et qui permet aux étudiants de ne faire qu’une seule licence pour acquérir les compétences nécessaires dans les deux domaines. 

Elle est intéressante puisqu’à l’issue de cette licence, les diplômés auront le choix de poursuivre en master de droit ou en master d’histoire de l’art. Au niveau des masters, c’est pareil. Inutile de vous détailler tous les masters qu’il est possible de faire, car ils se multiplient pour permettre aux étudiants d’acquérir des compétences professionnelles de plus en plus pointues. Les étudiants auront le choix entre le master de recherche, pour devenir chercheur en histoire de l’art, ou les différents masters professionnels, qui comprendront des stages obligatoires dans des domaines très variés notamment pour accéder aux métiers du patrimoine, de la conservation, les métiers du design et ceux de la communication ou du marketing appliquée au domaine des arts.

Donc faire une licence en histoire de l’art, ce n’est souvent qu’un point de départ et qui ne vous bloquera pas si par la suite votre projet mûrit et que vous voulez vous spécialiser dans un domaine de la communication, si vous voulez vous diriger vers l’enseignement, vers un concours de la fonction publique ou vers l’entreprenariat. Votre licence vous donne du temps et de vraies connaissances pour ensuite postuler dans des écoles prestigieuses qui proposent des masters dans des domaines auxquels vous ne pensiez pas forcément après le bac, comme le marketing ou la communication. Gardez toujours en tête qu’en ayant une licence en histoire de l’art, vous aurez une culture et un esprit critique que la plupart des candidats qui postuleront pour les masters que vous visez n’auront pas. Ce sera donc aussi un bon moyen de vous différencier, à condition d’exploiter ces connaissance et votre temps au maximum pour préparer la suite. Ayez toujours un temps d’avance !

5. Les places sont chères mais les étudiants moins nombreux qu’ailleurs

Et oui, il y a peu de places à la fin. Mais il y aura aussi peu d’étudiants et peu de candidats aux postes les plus hauts, parce que ce n’est pas le moyen le plus rapide et le plus facile de réussir. A l’époque où j’étais en licence, il y avait environ 600 étudiants en première année. Quand je suis arrivée en master de recherche, nous étions 13 en première année et 6 en deuxième année. Cinq ans plus tard, je suis la seule qui ait terminé un doctorat parmi les étudiants de ma promo.

Donc oui, il y a peu de places mais en réalité, il y a aussi très peu de candidats. Moi-même ayant un doctorat, je n’ai pas postulé sur tous les postes d’enseignant-chercheur et je ne passe pas le concours de conservateur. Parmi toutes les personnes qui sont sorties avec un doctorat en histoire ou en histoire de l’art, je n’en connais qu’une seule qui s’accroche au monde académique. Les autres sont tous passés à autre chose, soit en passant des concours qu’ils ont tous obtenus, soit en changeant complètement de domaine. Nous sommes tous parvenus à nous insérer, à gagner notre vie, à nous épanouir, et tous ceux que je connais réussissent dans leur domaine. 

Il ne s’agit donc pas que d’acquérir une sorte de culture générale qui ne servira à rien en elle-même. Vous allez acquérir des connaissances profondes, une culture que la plupart des gens n’ont pas, vous aurez une capacité à questionner le monde, à voir plus loin que ce qu’on vous montre. Vous apprendrez à structurer vos idées, à vous questionner, à aller toujours plus loin et à ne rien lâcher tant que vos réponses ne seront pas satisfaisantes. 

A l’issue de vos études, vous aurez la capacité à réussir tout ce que vous voudrez entreprendre et la capacité à vous adapter, vous saurez taper à toutes portes qui pourront vous apporter quelque chose, sans craindre d’être enfermé. C’est ça, le plus grand intérêt de ces études : elles vont vous conduire là où vous voudrez aller, et vous aurez conscience que vos perspectives sont réellement infinies.

Loin d’être une voie de garage, le cursus en histoire de l’art vous ouvrira au contraire de très nombreuses portes, une singularité qui va se ressentir à tous les entretiens que vous passerez. Si vous doutez, c’est normal. Mais gardez en tête que toutes les personnes qui ont fait de grandes choses étaient comme vous, elles doutaient et leur entourage doutait d’elles jusqu’au jour où elles ont réussi. Il n’y a pas de voie royale vers la réussite. La seule chose à faire si on veut réussir, c’est d’essayer, c’est de travailler, c’est de rester curieux et ouvert. Et la meilleure chance que vous ayez dans ce monde, c’est d’aimer ce que vous faites. Ne pensez pas à l’argent ou aux titres, ils viendront au fur et à mesure que vous vous accomplirez, pas avant. En attendant, vous trouverez toujours un moyen de subvenir à vos besoins. 

Les études d’histoire de l’art ne sont pas des études faciles, les principales difficultés étant qu’il faut s’intéresser à de nombreuses disciplines connexes, comme l’histoire et ses enjeux socio-économiques, à l’histoire des religions ou même à la physique. Au terme de votre cursus, seuls les meilleurs d’entre vous seront sélectionnés pour aller en master et par la suite, pour accéder aux meilleurs postes. Vos professeurs seront d’autant plus exigeants que les places sont chères. Ecoutez toujours leurs conseils et surtout, soyez très ouverts et très curieux.

En sommes, croyez en vous, croyez en vos enfants. Soyez les meilleurs.

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