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ÊTRE DOCTORANT SALARIÉ (3/3)

Le podcast complet de la série sur les doctorants salariés

Pour lire le début de cet article en trois parties, c’est ici 👉 Partie 1 et Partie 2

3. Être doctorant salarié est votre capital

a. C’est un indicateur

Quand on est dedans, on peut avoir des difficultés à percevoir en quoi le fait d’être doctorant salarié est bénéfique. Personnellement, j’ai principalement vécu le fait d’être salariée comme un obstacle, comme une difficulté supplémentaire, un handicap. J’avais tort. On croit souvent aussi que le doctorat sera notre principale richesse quand on l’aura obtenu, que c’est sur lui qu’on pourra capitaliser. C’est faux, ce n’est pas le cas.

Je peux vous le dire car j’ai connu les deux, j’ai été salariée pendant les quatre premières années et j’ai été financée pour ma dernière année. J’ai donc pu me consacrer entièrement à ma thèse pendant un an, et la dernière fut pire que les autres. Pire, mais vraiment pire que tout ce que j’avais déjà traversé réuni. C’est peut-être parce qu’une part de moi s’est relâchée, ou parce que le financement a exercé une pression que je n’avais pas anticipée. Peut-être un peu de tout cela.

En tout cas, j’ai soutenu depuis deux ans et j’ai suffisamment de recul pour voir clairement ce que je n’étais pas capable de percevoir à l’époque. Je pense que ce fut une chance d’être salariée, parce que la somme des expériences m’apparaît aujourd’hui comme un ensemble cohérent et plus comme quelque chose de décousu. Je m’explique.

Pendant ma thèse, j’étais concentrée sur l’obtention de mon doctorat. Toute ma vie s’est organisée en fonction de cet objectif. Je me suis parfois projetée dans d’autres activités, mais très vite mon esprit revenait sur le doctorat. Quand vous savez que la recherche n’est plus une voie pour vous parce qu’elle vous a trop abîmé, vous savez que vous allez la quitter mais quelque chose vous pousse à « aller au bout » avant – je ne m’explique pas ce phénomène, qui fait penser à des situations de relations toxiques.

Du fait d’être concentrée sur l’objectif de la recherche, tout ce qui gravitait autour m’apparaissait comme des obstacles, des ralentisseurs, des boulets à mes chevilles. Je n’étais complètement investie dans aucun autre aspect de ma vie. C’est donc inconsciemment, sans réelle réflexion, que j’ai construit ces autres aspects de ma vie : ce job conviendra, ce repas fera l’affaire, ce gars sera très bien. L’inconsistance était généralisée, intrinsèque. Une fois la thèse terminée, tout le reste s’est terminé aussi à une vitesse déconcertante.

Tout devient évident, vous voyez l’ensemble. Sans la thèse, vous vous demandez où est le problème. Vous êtes toujours dans une quête acharnée de solutions et vous vous rendez-compte qu’il n’y a plus lieu d’en chercher : le livre de problèmes est refermé, il n’y a plus qu’à aller jouer.

Vous qui lisez ceci et qui êtes peut-être encore dans une spirale infernale, ces mots vous paraîtront sûrement bêtes ou effrayants, mais je vous assure que rien n’a été plus simple, plus évident. C’est pour cela que je vous inciterai toujours à faire une thèse si vous hésitez, et à l’achever si vous doutez.

C’est pour cette sensation de libération totale que j’apparente à l’arrivée au sommet de la plus haute montagne. Si vous restez en bas et que votre regard est de ceux qui veulent porter plus loin, elle sera toujours une gêne ; si vous redescendez après avoir commencé l’ascension, je me dis que cela revient presque au même – mais je me trompe peut-être.

En tout cas, tout change à l’arrivée et comme pour tout sportif qui vient de se surpasser, la phase d’analyse commence. Vous avez maintenant le temps de penser à ce que vous avez mis en place pour atteindre votre objectif et vous percevez tous les liens, toutes les relations entre vos actions.

Dans le cas du doctorat salarié, ces expériences professionnelles qui vous ont servi d’outils, deviennent des éléments indissociables de votre réussite. Pour rien au monde vous ne les échangeriez, les mettriez de côté ou les planqueriez, pour rien au monde vous ne les rangeriez au fond d’un tiroir. Vous comprenez pleinement leur intérêt, leur valeur, et vous n’allez plus nulle part sans eux.

Pendant le doctorat, j’ai fait toutes sortes de jobs, du Mc Do à l’enseignement supérieur et des gardes d’enfants à la recherche associée à l’université de Yale, dans cet ordre – parce que l’ordre compte. Ce que je n’ai pas voulu faire aussi, compte. Et ce qui compte par-dessus tout, c’est que tous les jobs que vous avez faits, valorisants ou pas, vous informent de la même manière sur ce que vous voulez vraiment faire à partir de maintenant. Tout ce que vous avez fait possède un dénominateur commun que vous ne perceviez pas avant parce qu’il y avait la priorité d’atteindre le haut de la montagne.

Une fois en haut, tout se replace sans hiérarchie aucune. C’est pour cette raison que j’ai aimé l’après-thèse mais qu’elle m’a déconcertée aussi. Il n’y a plus rien d’inférieur car il n’y a plus de sommet. Vous vous demandez le plus simplement du monde ce que vous avez envie de faire – et des évidences comme celles-là méritent d’être vécues plutôt que sues, je vous assure.

doctorant salarié

b. C’est votre plus grande force par la suite

Faire un doctorat est un moyen de faire une carrière académique, et le doctorant salarié a souvent quelque chose en tête, quelque chose à atteindre par cette voie en particulier. Le doctorat est une possibilité pour qui veut changer de monde, changer de condition, changer d’identité ou de réalité. Aucun humain ayant le luxe de croire qu’un doctorat ne sert à rien – en SHS encore moins – parce qu’il ne permet pas de gagner plus d’argent ou d’atteindre un poste plus élevé, n’a saisi l’enjeu du doctorat pour le doctorant salarié.

Quand vous serez docteur SHS, que vous aurez parlé aux clients du Mc Do, aux jeunes des cités, aux clients d’une banque, fait partie d’une équipe de commerciaux, fréquenté des chercheurs, des pontes, organisé des colloques, enseigné à l’université publique, privée, que vous aurez eu des retards de loyer, dormi dehors, envisagé l’allocation de chômage comme une opportunité, un luxe même, car c’est du temps, quand vous aurez travaillé dans les endroits les plus beaux, les plus prestigieux, les plus côtés, dans plusieurs villes du monde, et que vous serez rentré le soir dans votre studio de vingt mètres carrés en vous demandant quel avenir vous attend et où trouver l’argent pour vivre demain, mais vous serez capable de tout les amis.

Aucun financement ne vaut cette expérience, c’est une richesse que tout l’or du monde ne saurait remplacer. C’est votre ticket d’entrée pour la vie dont vous rêviez, à condition d’en avoir conscience et d’en faire une force pour exiger du monde qu’il vous rembourse au centuple l’investissement effectué.

C’est cela, la force future du doctorant salarié. Il y a quelque chose qui a changé quand je suis sortie de cette galère avec le graal en poche, c’est que je n’ai plus rien toléré. Je n’ai plus toléré aucun manque de respect, je n’ai plus voulu des compromis, je n’ai plus accepté qu’on me fasse patienter, je n’ai plus supporté qu’on me dise non lorsque je désirais. Cela ne veut pas dire que je suis devenue imbuvable, mais que j’ai enfin fait en sorte d’obtenir ce que je voulais. Ce que je veux m’est dû, je ne me pose plus la question.

À partir de là, c’est votre vie qui change. Avant, je croyais que je devais faire avec ce que j’avais, alors je redoublais d’efforts pour acquérir davantage et je reformulais ma demande plus tard. Maintenant, mais je me fiche de l’impossible. Je produis ce que je veux au lieu de chercher à l’acquérir alors que le monde ne l’a pas. Je suis dans la vie comme un nouveau riche, si je veux je prends, si ça n’existe pas j’investis.

Cela s’appelle la légitimité. Ce qui a changé est seulement dans ma tête, mais c’est toute la différence entre la réussite et l’échec. Après avoir tout sacrifié, vous voyez le monde autrement. Quand la limite sera dépassée, vous le saurez et vous exigerez. Exiger, c’est refuser qu’on vous dise non. On vous dira toujours non, et comme vous refuserez cette réponse vous aurez une idée. Une idée que vous n’auriez jamais eue si vous aviez accepté ou compris qu’on vous dise non.

La différence pour moi, c’est ce doctorat qui l’a faite. Pour d’autres ce sera l’Everest, pour d’autres une terre d’accueil, pour d’autres encore ce sera l’argent. Pour moi c’est la même chose, c’est une quête de l’abondance. Si vous vivez dans la nécessité de l’abondance plutôt que dans une aspiration à l’abondance, alors vous réussirez.

Un doctorant salarié vit dans une nécessité, c’est pour cela que je répète qu’il faut savoir pourquoi vous faites un doctorat. Doctorants salariés, identifiez votre nécessité et cultivez-là, car c’est elle votre capital et la richesse qui en découlera sera totale.

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Une réponse

  1. Votre article est très intéressant. L’année prochaine, j’envisage faire mon doctorat en SHS à l’Université Laval, au Canada. Je ne vois pas clairement comment j’aurai un boulot pour financer ma thèse, car, ça vaut la peine d’en avoir. Auriez-vous les astuces pour en trouver un? Je suis partant.

    Voici mes contacts : +243975013465 (numéro WhatsApp)

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