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COMMENT GÉRER LES DIFFICULTÉS DU DOCTORAT ET RÉUSSIR À SOUTENIR SA THÈSE?

Le doctorat, quel mindset ?

Comment, et dans quel état d’esprit aborder le doctorat, et particulièrement le doctorat en Sciences Humaines et Sociales ?

Pour moi, qui suis docteure dans un domaine des SHS, il y a des points très importants à connaître quand on se lance dans un tel projet, en particulier quand on n’est pas financé. Ce sont des traits d’état d’esprit et des notions que j’aurais aimé connaître quand je me suis lancée, et si quelqu’un m’avait parlé de tout cela au démarrage, j’aurais gagné beaucoup de temps et je me serais moins fatiguée, j’aurais perdu moins d’énergie à essayer de combattre mon syndrome de l’imposteur. Alors, je prends le temps aujourd’hui d’évoquer et de développer ces cinq règles qui sont pour moi des règles d’or.

1. SE CONNAÎTRE POUR TENIR LE RYTHME

La première règle d’or, c’est de vous connaître parfaitement. Si vous n’avez pas encore conscience de vos points forts et de vos points faibles, vous y serez vite confrontés au cours de vos années de thèse. Quel profil avez-vous, quels sont vos objectifs, quelles sont vos priorités, comment gérez-vous le stress, la pression ou la fatigue ? Ce sont des aspects de votre personnalité qu’il faut connaître, car vous allez devoir les accepter le plus rapidement possible pour éviter de vous épuiser. 

Le rythme en doctorat, j’en parle longuement dans la vidéo que j’ai faite sur « comment j’ai réussi à terminer ma thèse ». C’est un rythme très particulier qui s’accélère et qui ralentit en permanence et sans prévenir : la rentrée à elle seule vous dit tout au sujet du rythme en doctorat : à la rentrée, il se passe tout et rien en même temps. C’est très particulier, et d’ailleurs je n’ai jamais compris pourquoi on considérait que la rentrée était en septembre alors que les réinscriptions se font après, jusque mi-décembre. 

Tout est dans le rythme, vous allez être sans arrêt en train de vous adapter à lui, et vous ne réussirez jamais à vous caler vraiment dessus car il ne sera jamais le même. Plus vous allez avoir de responsabilités, plus votre planning sera décousu. C’est normal. Vous pouvez anticiper les heures de cours que vous donnez durant un semestre, mais vous ne pourrez pas anticiper le mail d’un éditeur qui vous annonce qu’il faut retravailler une partie de votre article — article qui aurait dû paraître l’année dernière —, vous ne pourrez pas anticiper une invitation à parler lors d’un colloque ou les mails que vous recevez et qui contiennent la veille que vous faites pour repérer les conférences que vous pourriez faire : pendant six mois il ne peut rien y avoir, et d’un seul coup vous avez deux opportunités pour participer à des journées d’études en huit semaines de temps.

Sans compter la fin d’un contrat de travail, le changement de planning de cours, les formations doctorales, les conseils de laboratoire si vous êtes élu, les différents rapports à rendre, etc.

Il vous faudra nécessairement savoir exactement ce que vous voulez et ce que vous êtes prêt à donner pour l’obtenir. Ça ne veut pas dire qu’il faut tout accepter, loin de là. La seule chose qu’il faille accepter en doctorat, ce sont vos limites, quitte à refuser une opportunité de publier : mieux vaut ne pas publier que de publier à l’arrache parce que ce n’est pas faisable et que vous êtes épuisé. Il faut savoir dire non quelquefois, et être en accord avec ça. 

Personnellement, j’ai refusé plusieurs fois de publier parce que ce n’était pas possible, je n’avais ni le temps ni l’énergie de me lancer avec le planning que j’avais, et j’ai déjà accepté des heures de cours pour annuler cinq jours après : on me propose des heures, super ! J’en ai déjà beaucoup mais j’accepte, parce que ça ne se refuse pas. Puis j’apprends que je ne serai payée qu’un mois après la fin du semestre — passe encore — puis j’apprends que mes billets de train seront entièrement à ma charge — deux allers-retours Lille-Paris par semaine, parce que les deux cours qu’on me proposait de faire ne pouvaient même pas être réunis sur la même journée. Au total, je me rends-compte que je vais perdre de l’argent et beaucoup trop de temps ! J’ai donc décidé que je ne les ferais pas. Et franchement j’ai été fière de moi car c’était la première fois que je refusais ces conditions impossibles qu’on nous impose à chaque fois. 

Ça ne m’a pas empêchée de réussir, bien au contraire, alors si vous en êtes en position de le faire, refusez les fausses belles opportunités.

Sachez que toutes les personnes à qui j’ai dit non, en me justifiant, sont toutes revenues vers moi un peu plus tard et j’ai été très heureuse de travailler avec elles.

N’ayez donc pas peur de ça. Définissez bien vos limites, sachez les dépasser quand c’est possible, et rester en retrait quand ça ne l’est pas. Le plus important, c’est d’honorer à 100% tout ce pour quoi vous vous êtes engagé.e.s.

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2. SAVOIR GERER LA PRESSION

Tout part de votre connaissance de vous-même. Savoir gérer la pression, vous n’y arriverez pas si vous ne connaissez pas vos limites et si vous ne vous connaissez pas parfaitement. La pression, vous l’aurez en permanence : la pression de bosser seul.e, la pression de faire une belle découverte en recherche, la pression d’analyser correctement vos résultats, la pression de rater une source importante ou une opportunité de publier, la pression de réussir à faire passer une notion en cours, ou juste d’assurer un premier cours. La pression de trouver un contrat de travail, de ne pas rater la date de toutes les inscriptions que vous allez faire en une seule année, la pression de tout. Tout, jusqu’aux moindres détails, va vous mettre la pression.

Restez calme. Prenez du recul. Habituez vous à la pression, devenez son amie, tutoyez-là. Elle peut être votre amie si vous savez la reconnaître et la gérer. Ne la laissez pas vous envahir et prendre le dessus sur vous.

Pour gérer la pression, il y a pas mal de solutions et d’options, et c’est à vous de savoir lesquelles seront adaptées à vous — encore une fois, vous le saurez si vous vous connaissez parfaitement. Certaines personnes aiment aller courir le matin de leur premier cours, tant mieux pour eux, et personnellement ce ne fut pas mon cas. Que mon premier cours ait eu lieu à 14 heures ou à 9 heures — je ne sais plus — je peux vous certifier que je suis restée pétrifiée incapable de faire quoi que ce soit pendant 48 heures avant le jour J. Mais ce matin-là, je me suis levée avec calme, j’ai pris mon sac qui était prêt depuis deux jours, j’ai pris mes clés et j’ai fait le trajet tranquillement jusqu’à ma salle de classe. 

Je ne m’en suis pas voulue d’être inactive pendant deux jours et le sachant, j’ai géré ma préparation en fonction de cette donnée. Si je ne l’avais pas su ou si je ne l’avais pas accepté, j’aurais géré ma préparation à ce premier cours comme j’ai toujours géré mes examens : la veille ou le matin-même, sans tenir compte de mon stress, et ça ne se serait pas aussi bien passé.

Résultat, je me souviens très bien de mon premier cours, j’étais aussi à l’aise que je pouvais l’être, j’étais parfaitement lucide et parfaitement préparée. C’est un très bon souvenir.

Faites de vos premières fois de bons souvenirs, quelle qu’ait pu être la dose de stress et d’adrénaline qui y ont associées — vous vous en souviendrez aussi. Allez courir si c’est ce qu’il vous faut, ou préparez votre compte Netflix à être squatté pendant deux jours sans culpabilité. Peu importe ce que penserait votre directeur, votre conjoint.e, vos collègues ou votre chat : si c’est votre façon de gérer, alors c’est la bonne. Il vous suffit de vous organiser en fonction de vos priorités.

Alors vous allez me dire, « oui mais si on n’a pas deux jours à perdre la veille d’un évènement pareil ? » 

C’est que vous ne vous connaissez pas ou que vous n’acceptez pas les conditions que vos limites vous imposent. Vous avez toujours le choix. Vous connaitrez toujours les dates aussi importantes plusieurs semaines à l’avance, et si ce n’est pas le cas, c’est à vous de décider si vous acceptez ou non les conditions qui vous sont imposées. Si on m’avait dit : « dans deux jours tu peux faire ton premier cours », je me serais demandée si c’était vraiment souhaitable de commencer comme ça. Si la réponse avait été oui et si j’avais accepté, je n’aurais pas eu le temps de tenir compte de mon stress — ce qui aurait pu aussi être un avantage. J’aurais donc certainement pris 48 heures après cet événement pour le gérer. 

Quoi qu’il arrive, si vous ne tenez pas compte de votre gestion de la pression, si vous ne gérez pas le stress qui est associé à certaines de vos activités à un moment ou à un autre, je tiens le pari que vous n’irez pas au bout de votre doctorat. Votre priorité doit être de tenir compte de la pression et de la gérer, et ce quoi qu’il en coûte.

3. SAVOIR SE CONFORMER

J’entends souvent des doctorants dire que pour eux, certaines exigences liées au doctorat ou à l’écriture de la thèse sont aberrantes. Le respect des normes bibliographiques, la typographie à respecter dans le fichier texte de la thèse, ou les crédits à valider autour de la thèse, le niveau de langage exigé ou encore le respect inconditionnel à la hiérarchie universitaire. En somme, tous les codes qu’il peut y avoir à ce niveau à l’université.

Et oui, ces codes peuvent paraître aberrants mais non, il ne faut pas céder. Si vous n’êtes pas prêts à vous conformer à toutes ces exigences, vous ne terminerez pas votre doctorat ou le doctorat se terminera mal, très mal. Les histoires catastrophiques ne manquent pas. Ne jamais manquer de respect, ne jamais outrepasser, respecter les convenances, peut être difficile lorsqu’on se pense comme un être pensant, un être libre justement. On peut se dire que le fait de se conformer est en contradiction avec cette autre exigence qui est d’avoir des idées, des idées neuves, pour réussir en doctorat. Mais ce n’est pas le cas. 

Savoir se conformer est parfois difficile. Qui n’a pas eu envie de s’imposer face à un directeur tyrannique ou de changer la taille de police des notes de bas de page ? Mais il y a des instances qui permettent de gérer notamment les questions relationnelles avec le directeur, lorsqu’elles se passent mal, et pour tout ce qui concerne les normes topographiques, elles ont bien un sens qui se situe notamment dans le souci de cohérence et la lisibilité des travaux scientifiques au niveau international. Quelquefois, ça n’a pas de sens. Mais c’est comme ça, et je ne vous dis pas cela parce que je le pense mais parce que je peux vous dire que le monde académique a son folklore et qu’il ne s’adaptera jamais à vous. Autrement, il devrait s’adapter à chacun d’entre nous, et ce n’est pas possible.

C’est donc à vous de vous adapter au monde académique, et je pense vraiment que si cela est impossible pour vous, alors sans doute le monde académique n’est pas fait pour vous. C’est possible. Ce qui est sûr, c’est que si vous n’êtes pas prêt à vous y conformer, ne vous accrochez pas à lui, car il est réellement implacable et plus puissant qu’il ne le laisse soupçonner. Il en a détruit plus d’un qui s’y est attaqué, et quoi qu’il arrive vous serez totalement seul dans ce combat. Le monde académique n’est pas fait pour tout le monde, mais si vous parvenez à vous adapter à ses codes, c’est la promesse d’une expérience de thèse qui sera riche, calme et aussi sereine qu’elle peut l’être.

Evidemment, cela ne veut pas dire qu’il faille tout accepter ou taire les dérives réelles qui sont malheureusement monnaie courante à l’université. Mais quelles que soient les actions que vous mènerez, faites-le dans les règles si vous voulez triompher.

4. ETRE AMBITIEUX

Bon vous allez me dire « ouais, la base hein ! » et vous aurez raison. La base. Vous êtes doctorant, donc forcément vous êtes ambitieux. Mais moi je parle de l’ambition du doctorant, tous doctorants confondus. Ça veut dire que l’ambition de base, vous l’avez déjà acquise. Maintenant, soyez l’ambitieux parmi les ambitieux. Peu importe votre projet post doctoral — que ce soit un post-doc, un concours ou l’élevage de chèvres en Ardèche —, pour le moment vous êtes en doctorat alors éclatez-vous en doctorat.

Soyez ambitieux. Ça veut dire que votre syndrome de l’imposteur ne doit pas prendre le dessus sur vous. Ça veut dire que vous allez pouvoir postuler sur les conférences les plus prestigieuses, sur les post-docs les plus prestigieux, sur les concours les plus prestigieux. Vous faites partie des meilleurs, pas parce que vous êtes plus intelligent.e.s que les autres mais parce que vous êtes là. Parce que vous avez décidé de ne pas vous contenter d’un master, et que l’argent pouvait attendre. Que vous soyez sous contrat doctoral ou pas, vous auriez fait un autre choix si l’argent était la question. En tout cas, l’argent peut attendre. Que vous soyez sous contrat ou pas, vous êtes attiré par ce quelque chose de supérieur et vous êtes tenté de vous élever encore, ne serait-ce que pour voir ce qu’il y a plus haut.

Ce n’est pas un problème. Maintenant que vous êtes là, tapez aux portes les plus prestigieuses. Vous allez vous prendre plein de refus, et c’est génial sans l’être car un jour vous aurez un OUI et ce sont tous les refus précédents qui donneront la valeur de ce OUI. Et c’est cette ambition, seule, qui vous permettra d’en finir avec votre syndrome de l’imposteur.

5. REPOUSSER TOUT LE RESTE

Dans l’ensemble, vous l’aurez compris, faire un doctorat suppose que vous vous placiez au centre de vos préoccupations. Et plus vous appliquerez cela, plus vous serez en mesure d’intégrer des choses dans votre vie. La réciproque ne sera pas vraie. Certains problèmes de la vie personnelle ne résisteront pas à l’idée de soutenir votre thèse. Dites-vous que si vous voulez réussir à soutenir, vous devrez régler tous les problèmes de votre vie personnelle. Tous les docteurs que je connais ont connu un bouleversement dans leur vie juste avant de soutenir leur thèse. C’est le déclic, c’est ça qui fait que la soutenance a lieu. Ce n’est jamais par hasard ou sur un malentendu.

Repousser tout le reste et vous faire passer en premier, je pense que c’est vraiment une condition sine qua non pour réussir à terminer le doctorat. Si vous n’en êtes qu’au début, gardez donc à l’esprit que si les problématiques que vous rencontrez gravitent dans votre esprit autour de votre projet, c’est plutôt bon signe. Si votre projet n’est pas au centre de vos problématiques, vous êtes certainement face à un doute. Continuer, ou arrêter le doctorat ? 

Ce doute, vous le rencontrerez plusieurs fois au cours de ces années-là. Ça ne veut pas dire que vous n’irez pas au bout, bien au contraire, mais qu’il faudra faire des choix, et votre parcours sera jalonné de ces choix jusqu’au jour de votre soutenance, si elle a lieu. Réussir, c’est donc faire systématiquement le choix de continuer, de poursuivre, et de ne pas laisser quoi que ce soit vous empêcher de finaliser votre doctorat. Souvent, c’est justement à la veille de la soutenance que toutes les problématiques reportées sur les dernières années, doivent trouver leur point de rupture…

Bon courage !

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6 réponses

  1. Bonjour,
    Je suis à la fin de ma thèse et votre article m’a beaucoup aidée. Je ne connaissais pas le « syndrome de l’imposteur » et c’est pourtant ce qui semble me ronger. Je vais me renseigner là-dessus mais je souhaitais d’abord vous remercier pour cet article très intéressant et vraiment bien écrit ! Merci pour vos conseils et ce sentiment agréable que procure le fait de mettre des mots sur un problème.

    1. Bonjour Adeline,

      Je suis contente que cet article ait pu vous faire du bien. Si vous ressentez le besoin d’avoir un peu de support et d’accompagnement dans la dernière ligne droite, sachez que je reçois sur consultation en rendez-vous individuel.
      N’hésitez pas à me contacter via le formulaire de contact sur ce site pour plus de renseignements.
      Dans tous les cas je vous souhaite de surmonter ces quelques blocages, la fin n’est plus très loin !
      Bon courage,
      Érika Dupont

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